Le peintre et le poète : Moreau et La Fontaine dans l'exposition du Musée Gustave Moreau
Musée national Gustave Moreau
Du 27 octobre 2021 au 28 février 2022
Les fables de La Fontaine donnent la réplique à la peinture dans une magnifique exposition au musée Gustave Moreau.
Nombreuses furent les générations d’écoliers qui les apprirent par cœur et les récitèrent sous le regard tantôt sévère, tantôt encourageant, du professeur. « La Cigale et la Fourmi », « Le Corbeau et le Renard », « Le Loup et l’Agneau » : ces apologues célèbres que nous contaient parents et enseignants bercent encore ces souvenirs d’un autre temps. Les Fables de La Fontaine ne sont-elles pas, après tout, par excellence, ce qui de la littérature peut être connu avant même que l’on ne sache lire ? Cette œuvre réussit entre toutes le pari contradictoire de lier l’approche délectable de la lecture enfantine et celle, autrement plus savante, de l’érudit qui seul porte sa compréhension au-delà de son évidence immédiate. Celui qui « se servait des animaux pour instruire les hommes » nous dévoile d’un rire complice ces choses si évidentes, tout en nous donnant l’impression, pourtant, de ne les avoir jamais vues. Serait-ce là ce qui conduisit Antony Roux (1833-1913), riche collectionneur et lecteur frénétique du grand moraliste à com-mander à Gustave Moreau, qu’il rencontre à Paris en 1879 par l’entremise Jules-Élie Delaunay, quelques aquarelles pour le recueil illustré qu’il souhaite publier ? L’entente entre les deux hommes, nous dit l’histoire, fut immédiate et la pierre angulaire de ce vaste projet, rapidement établie. Le peintre se met aussitôt à l’ouvrage. Visiteur inlassable du Louvre, de la Bibliothèque nationale et du Muséum national d’Histoire naturelle, Moreau étudie avec une minutie et une assiduité infatigables les vastes collections de ce dernier, haut lieu où demeure en maître le règne animal, pour y étudier l’anatomie de ces lions rugissants et de ces oiseaux exotiques figés dans leur grâce éternelle. Entre 1879 et 1884, ce sont plus de soixante dessins que Moreau fait parvenir à son commanditaire et que celui-ci présente au public en 1886 et 1906, avant de rejoindre des collections privées pour ne resurgir qu’un siècle plus tard dans cette exposition. L’un était peintre, l’autre, poète : retour délicieux dans cet univers à mi-chemin entre le songe et la fascination, entre le livre et le tableau, dans le monde de ceux qui de-vinrent les génies de l’enchantement.
Le saviez-vous ?
Véritable bijou d’architecture niché au cœur de la Nouvelle-Athènes, petit bout du IXe arrondissement prisé par les artistes romantiques du XIXe siècle, le musée Gustave Moreau regorge de trésors. En 1895, le peintre décide de transformer sa maison en musée en vue de le léguer à l’État : ainsi, le style provincial des appartements du rez-de-chaussée et du 1er étage, où sont accrochés portraits de famille et toiles de ses amis (comme Edgar Degas), est resté dans son jus. Aux 2e et 3e étages, vous découvrirez les immenses ateliers de Moreau où sont exposées ses plus grandes œuvres et où sont notamment conservés près de 5000 dessins, rangés dans des armoires et placards à volets pivotants que vous aurez grand plaisir à ouvrir ! Le tout enfin couronné par le somptueux escalier en colimaçon du grand atelier, qui vaut à lui seul le détour.