Roubaix - Jules Adler, peindre sous la troisième République
La Piscine de Roubaix
Du 29 juin au 22 septembre 2019
Jules Adler fait partie de ces artistes oubliés aujourd’hui, sans doute effacé dans la mémoire collective par la vague impressionniste de la fin du XIXe siècle. Pourtant, Adler était bien plus connu en son temps que ne l’étaient les impressionnistes. Sa peinture est dans l’ère du temps, dans la veine naturaliste soutenue par le tout nouveau régime républicain, installé depuis 1870. Un style à mi-chemin entre les révolutions impressionnistes et un art plus officiel, dit plus « académique ». Finalement l’œuvre que nous confie Jules Adler et que l’on peut admirer à la Piscine de Roubaix est un remarquable témoignage de la vie sous la Troisième République. Une époque qui verra aussi bien la capture de Napoléon III, la « Semaine sanglante » ou la Commune de Paris. Vivre sous la Troisième République c’est être témoin de la proclamation de la liberté de la presse et des lois Ferry ou encore de l’affaire Dreyfus et de la séparation de l’Église et de l’État. Et Adler s’en fait le porte-parole dans des tableaux qui valent les clichés iconiques des reporters d’aujourd’hui. La peinture d’Adler est une peinture de la vie sociale, inspirée des romans de Zola, témoignant des conditions de vie populaires, ouvrières, rurales. Adler sera même surnommé le « peintre des humbles », lui qui est engagé, aux côtés des figures du peuple - mineur, petite main ou simple chemineau - militant pour les révolutions sociales, soucieux du petit peuple, sans jamais être condescendant. Avec ses toiles comme Les Las ou La Soupe des pauvres, l’artiste peint la misère sociale, renforcée par une palette sombre et une matière épaisse. Adler se rend sur place, tel un journaliste de terrain, pour se confronter aux mines de Charleroi afin de représenter au plus juste ce « pays noir », il partira aussi au Creusot peindre les grèves des ouvriers des usines Schneider en 1899, une image devenue icône de la contestation sociale dans les manuels d'histoire. On découvrira aussi dans l’exposition des œuvres plus légères dans leur sujet comme dans leur geste et leurs tonalités, toujours au cœur du peuple, comme des fêtes populaires ou des vues de Paris. Une plongée passionnante dans une époque révolue, magnifiquement immortalisée par ce peintre du peuple, lors d’une exposition qui peut être fière d’avoir reçu le prestigieux label d’intérêt national du ministère de la Culture.
Jules Adler s’inscrit dans le courant des artistes naturalistes qui ont incarné, à la fin du XIXe siècle, une voie alternative entre les avant-gardes impressionnistes et un art plus officiel. Largement oublié aujourd’hui, malgré des peintures témoins d’une époque et une reconnaissance artistique importante au début du XXe siècle, on le redécouvre aujourd’hui sous une dimension sociale et humaine. En faveur des figures du peuple - mineur, petite main ou simple chemineau - sa palette sombre dépeint la misère sociale, bien que certaines de ses œuvres soient beaucoup plus légères et festives lors de bals populaires par exemple. Ces hésitations entre une peinture socialement engagée et une vision plus anecdotique de la société se doublent d’ailleurs d’un trait qui hésite entre une peinture épaisse presque impressionniste et une facture lissée au dessin. À la fois peintre des joies populaires et des chemineaux, Adler est aussi celui du monde ouvrier. S’il représente parfois hommes et femmes en plein travail, il choisit aussi souvent de les peindre en errance dans la ville de Paris qui les dévore, témoignant des luttes urbaines et sociales du début du XXe siècle et répond à un projet artistique engagé, à l’instar de Zola, en lui gagnant le surnom de « peintre des humbles » avec son œuvre La soupe des pauvres en 1906.
LE CHEMINEAU
Figure récurrente en peinture au XIXe siècle, le chemineau est le pendant rural des figures urbaines d’Adler. Homme sans domicile, errant à sa guise et vivant de charité ou de larcins, il incarne l’alter ego du peintre, parcourant la France en quête d’harmonie. La peinture d’Adler devient tout à coup lumineuse, colorée, apaisée, loin de l’horreur de la guerre, loin aussi de la misère sociale. Plus que la question sociale, c’est ici l’observation du milieu qui l’intéresse et suppose un déterminisme autant local que social. Son régionalisme est cependant humaniste, en échappant aux stéréotypes folkloriques.
LA PISCINE DE ROUBAIX
UN BRASSAGE DE PRESTIGE
Implanté sur le site de l’ancienne piscine Art Déco, le Musée d’art et d’industrie André Diligent est inscrit au patrimoine du XXe siècle. Transformé en musée, il garde aujourd’hui la même vocation qu’à sa création : favoriser le brassage d’œuvres dans un décor prestigieux et innovant. Les cabines de douche ont été transformées en vitrines et la collection Beaux-Arts est située dans les anciennes ailes de baignoires. La mosaïque à décor marin des bords du bassin délimite une nouvelle scénographie, mêlant un jardin de sculptures monumentales autour d’un bassin alimenté par un Neptune en grès à la tête de lion. Une continuité architecturale qui respecte la mémoire de ce lieu baigné de lumière.