Premier film "parlant" de Chaplin, Les Temps Modernes est un chef d'oeuvre du cinéma burlesque qui met en garde contre la marche irrémédiable du progrès. Immanquable !

Un ouvrier qui se transforme en robot détraqué et se fait avaler par une machine, un hobo qui devient malgré lui le leader d’une manifestation politique, un serveur qui joue les stars de music-hall dans un restaurant … Voilà quelques-unes des idées saugrenues – et géniales – des Temps modernes, film réalisé par Charlie Chaplin en 1936 !

Le cinéma parlant est déjà bien installé dans le paysage hollywoodien lorsque Chaplin se lance dans cette nouvelle aventure – voilà presque dix ans déjà que Le Chanteur de jazz avait fait sensation avec ses scènes parlées et chantées, en 1927 ! Mais Chaplin, comme de nombreuses stars du muet, ne voit pas d’un bon œil l’avènement du parlant. Son art repose sur le geste et non sur le verbe, et il est bien décidé à ce que ça continue ainsi.

Mais il ne peut se résoudre pour autant à ignorer cette technique qui révolutionne la manière de faire du cinéma. Chaplin décide alors d’incorporer quelques scènes avec du son, mais n’importe laquelle. Le seul personnage qu’on entend parler est celui du big boss de l’usine, qui donne les ordres à ses employés à travers des haut-parleurs. Redoutant d’être envoyé à la casse par le son, Chaplin retourne la technologie contre elle-même et ceux qui en tirent profit – la classe dirigeante ici. Ingénieux !

La scène la plus célèbre du film reste celle où Chaplin, récemment embauché dans un restaurant en tant que serveur, doit donner un numéro de chant. Incapable de retenir les paroles, il se fait une anti-sèche sur sa manchette – qui fout le camp dès qu’il entre en scène à la suite d’un mouvement de bras un peu trop enthousiaste ! Chaplin se lance alors dans un numéro mythique où il baragouine dans un mélange d’anglais, français, allemand et espagnol. Irrésistible !

Chaplin livre ici un de ses films les plus aboutis, à la fois original, drôle et émouvant, offrant un point de vue critique sur la mécanisation progressive des sociétés et la lutte des individus contre le rouleau compresseur du progrès. Une lutte a priori perdue d’avance que notre vagabond favori transforme en un concours d’humour dont il sort vainqueur !