Le dernier secret de la Joconde
La Joconde n'en finit pas de nous surprendre. C'est un autre secret du plus célèbre tableau de l'histoire de l'art qu'a récemment révélé le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Celui-ci n'aurait ainsi pas été réalisé alla prima - c'est à dire lorsque la peinture est appliquée sur le support sans dessin préparatoire - comme les spécialistes l'ont toujours pensé. Une nouvelle qui constitue donc un bouleversement sans précédent dans les cercles d'études spécialisés dans l’œuvre de Léonard de Vinci.
Spolvero et tempera
Une analyse multispectrale menée depuis près de 15 ans par l'ingénieur français Pascal Cotte, qui ne fait toutefois pas l'unanimité chez les chercheurs, vient tout juste de révéler que le peintre aurait utilisé le spolvero. Cette technique très en vogue à la Renaissance consiste à transférer un dessin préparatoire exécuté sur un support initial vers le support pérenne de l’œuvre. Le carton qui portait le dessin à la taille définitive était percé d'une série de trous minuscules réalisés à l'aide d'une pointe puis une poudre de charbon de bois ou de sinopia (pigment minéral rouge) permettait le transfert du dessin par tamponnage. Ne restait à l'artiste plus qu'à compléter l'esquisse.
Le terme, hérité étymologiquement de polvere, qui signifie littéralement « poudre », constitue une sorte d'ancêtre de la reprographie puisqu'il permettait de reproduire un même dessin sur plusieurs supports et était donc par là la technique de prédilection de la céramique et de la porcelaine. Lionel Simonot, spécialiste des propriétés optiques des matériaux à l'Institut Pprime (unité de recherche du CNRS dédiée à l'étude des matériaux), explique à ce titre que « la technique du spolvero a d’ailleurs été révélée sur d’autres tableaux de Léonard, comme La Dame à l’hermine. Mais elle n’avait jamais pu être mise en évidence sur La Joconde ». L'analyse a aussi permis de mettre au jour le projet initial de Léonard de Vinci, légèrement différent du tableau final: « Concernant les mains, la peinture finale reprend le dessin préparatoire des points de spolvero, précise Lionel Simonot. Sur le front, en revanche, on peut voir que le spolvero ne correspond pas à la démarcation du front et du voile de la Mona Lisa que l’on connaît : il est clairement décalé vers le côté gauche du tableau. Cela signifie que dans le projet initial de Léonard de Vinci, le visage de la Joconde était orienté davantage vers la droite. ».
C'est la première fois qu'une information de cet ordre est révélée: le spolvero, en ce qu'il facilite le travail en atelier, permettait à un maître de ne retravailler que les détails d'une toile confiée à ses apprentis. Il n'est donc pas impossible que le carton préparatoire originel du portrait de Mona Lisa ne soit un jour découvert quelque-part.