Wim Delvoye : Les limites du tabou
Mondialement connu (et appréhendé), après avoir exposé notamment à la Biennale de Venise, au Louvre ou au Mudam du Luxembourg, Wim Delvoye, artiste flamand irrévérencieux, n’en finit pas de choquer le monde de l’art. Créateur bavard et déluré, sa réputation le précède partout où il va. Scènes de coït immortalisées en rayons X et apposées sur des vitraux, nids d’oiseau fabriqués à partir d’accessoires sadomasochistes, sculptures d’animaux en pleine relation sexuelle, ou d’hommes « empalés » par des télescopes, les œuvres de l’artiste ont de quoi nous laisser pantois.
Il y a dans les créations de Wim Delvoye un fil rouge repoussant les limites de l’artistique à chaque nouvelle idée : son incompréhension du monde moderne. Matérialisme exacerbé, société de consommation, omniprésence des médias… Tout, selon lui, nous pousse à s’aligner à un imaginaire de masse, une vision unique et réductrice, la publicité et l’industrie du cinéma nous poussant à accepter leurs propres images plutôt que les nôtres.
En 1992, l’artiste commence les plans de son œuvre « Cloaca ». Dite « machine à caca », celle-ci imite le système digestif naturel, du début à sa fin, produisant des déchets odorants. Une réalisation controversée qui divise et soulève l’éternelle question : est-ce bien de l’art ? Delvoye s’amuse des critiques, insistant sur le fait que dans notre société le sexe est démystifié mais les besoins naturels restent entièrement tabous. Cette formidable machine est finalement vue comme un pied-de-nez à la société de consommation et ses déchets inutiles et encombrants. Une création que l’artiste définit comme « inutile ». Les étrons, quant à eux, seront conservés dans des bocaux et vendus, clin d’œil provocant au marché de l’art.
En 2010, une nouvelle polémique émerge, lorsque le Musée d’art moderne et contemporain de Nice expose les nouvelles œuvres de Delvoy : des cochons tatoués. Elevés dans sa ferme en Chine, ceux-ci sont tatoués – sous anesthésie - alors qu’ils sont porcelets et grandissent ensuite en toute liberté, jusqu’à leur mort. Alors que l’artiste cherche à faire réfléchir le public sur son régime alimentaire et la traite des animaux qu’il occasionne, l’effet est contraire. Les voix de plusieurs associations s’élèvent, dénonçant la torture animale, le besoin primordial d’être consentant avant un tatouage, et les limites éthiques de l’art. Continuant son combat contre la lourde présence des médias dans notre quotidien, l’artiste flamand tatoue même le logo Louis Vuitton et des visages de princesses Disney sur ses porcs, s’attirant ainsi les foudres des deux maisons, en plus de celles du public.
Plus récemment, cependant, il semble que l’artiste se soit calmé. Ces dernières créations réalisées à l’aide d’une imprimante 3D et d’un laser dessinent par exemple des camions poubelles et autres véhicules dans un style gothique d’une minutie extrême, rendant hommage à l’artisanat tout en célébrant le beau.