Arghaël, Métamorphoses

Loo & Lou Gallery - Haut Marais
Du 20 mars au 11 mai 2019

Du 20 mars au 11 mai 2019 -
Loo & Lou Gallery //

Il est rare aujourd’hui qu’un artiste contemporain se distingue par le talent de son trait plutôt que par ses idées conceptuelles. C’est pourtant le cas d’Arghaël, artiste parisien de 45 ans à la carrière fulgurante, qui nous subjugue par la précision incisive de son trait, que l’on découvre dans la superbe exposition de la galerie Loo & Lou à Paris. Arghaël, c’est un dessinateur comme il ne s’en fait plus : un vrai talent associé à une signature unique, reconnaissable entre mille.

Pour ceux qui se poseraient la question, l’artiste dessine d’après modèle vivant. Pourtant, le résultat est transfiguré, les corps ont muté. Mi-homme mi-animal. La chair est littéralement écorchée, mise à nu. Les mouvements sont paradoxalement figés, entre souffrance et extase. Impossible de trancher.

L’artiste se fait métamorphe, dépassant la pure condition humaine du corps pour en faire une œuvre d’art, à vif. Arghaël ne fait qu’un avec le fusain, son trait est assuré, tranchant, rappelant le geste des sculpteurs ou celui des chirurgiens. Ses silhouettes dansent ou se contorsionnent, c’est au spectateur de juger. Elles flottent ou elles lévitent dans les airs, là encore à vous de voir. Ses œuvres sont primitives, essentielles, rappelant tantôt la vie fœtale, tantôt la peinture rupestre. La toile quant à elle est brute, comme une seconde peau ou comme la roche des cavernes de nos origines. Car c’est bien ce dont il s’agit ici, d’une nouvelle naissance, celle d’une œuvre qui questionne le mystère de la vie, l’intériorité torturée, illustrée par un dessin qui pénètre les entrailles de son sujet. Ses géants de carbone aux corps dépouillés, aux extrémités disproportionnées, aux visages étranges et évanescents, nous rappellent tour à tour, la maîtrise parfaite du corps d’un Rodin, les nus écorchés d’Egon Schiele, les visages contorsionnés de Bacon, ou les silhouettes décharnées de Giacometti. Les créatures d’Arghaël nous ramènent à l’essentiel, l’âme en symbiose avec le corps, le fusain noir s’accompagne ponctuellement de touches de pastels, d’ocres ou de craies, comme de discrètes lueurs de joie dans un monde régi par notre animalité. D’un geste ample, l’artiste caresse sensuellement sa toile de lin, d’un retour nerveux, il crève la matière pour sculpter ses âmes blessées. Le résultat est juste stupéfiant.

 

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Fasciné par le corps humain depuis qu’il est né, Arghaël entame un dialogue intime avec le dessin au fusain dans une étude approfondie du modèle vivant comme source d’inspiration première. Mettant en lumière la chair des corps, l’artiste se frotte à l’inconscient en donnant à voir l’intérieur de notre être. Les os et vaisseaux sanguins tracent ses personnages sur les parois de leur « grotte intérieure », et apparaissent comme une seconde peau. Nus et dépouillés de tout apparat, ces corps disproportionnés aux visages évanescents incarnent la métaphore d’une créature animale, dans toute sa fureur, d’un trait puissant et nerveux qui dévore le papier, à l’instar de la vérité des nus du peintre autrichien Egon Schiele. Là encore, l’inconscient est exprimé par la mise à nu du corps, le visible faisant ressortir les plis et replis de la chair dans toutes ses aspérités. Métamorphe signifie la capacité à se métamorphoser par la seule puissance de sa psyché en un animal ou un élément naturel. Ainsi, l’Homme devient pluriel, affranchie de tout ancrage dans le sol, son corps s’anime et s’échappe du cadre en dépassant la notion de genre. À la fois tendres et brutales, les chairs incarnent une pensée libre arrachée à tout ancrage. À travers ses dessins, on assiste à la naissance d’une œuvre questionnant le mystère de la chair, dans ces géants de carbone qui laissent échapper des fulgurances terriennes mêlées aux huiles et aux pastels. La couleur scande les moments de chair sur un lin devenu seconde peau : pastels, ocres et blancheurs fœtales de craie – où tout reste à écrire. Sous le fusain les corps se dessinent et se répondent pour devenir Autre.

Fascinated by the human body since he was born, Arghaël begins an intimate dialogue with charcoal drawing in an in-depth study of the living model.

Nos photos de l'exposition :

 

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