Roubaix - Traverser la lumière
La Piscine de Roubaix
Jusqu'au 2 février 2020
La non-figuration
Quel plus beau rêve que celui de traverser la lumière ? Un rêve devenu réalité pour un petit groupe d’artistes, ressuscité ici le temps d’une sublime exposition. Et pour cause, dans cette ancienne piscine art déco à la verrière incroyable, se succèdent 6 peintres d’après-guerre qui ambitionnèrent de révolutionner la peinture de leur temps en faisant de la toile un support aussi éclatant que le verre des vitraux. Nous sommes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le contexte est chaotique, les églises sont détruites et les artistes contemporains sont invités à participer à la reconstruction de ces édifices religieux. Mais comment réinventer ces icônes qui infusent les chapelles de leurs lumières chatoyantes ? En travaillant une gamme chromatique pure. En simplifiant le motif à l’essentiel. Mais pas seulement. Au-delà de l’abstraction géométrique, ce que cherchent nos artistes, c’est véritablement à donner une forme picturale à la vie. Comment être abstrait et sensible, linéaire et émotionnel ? Universel en somme. Inspirées des compositions cubistes morcelées en facettes, précieuses comme des icônes rehaussées d’or, leurs toiles sont une véritable explosion de vie. Aucune abstraction brute ici, il est question de faire vivre la peinture, faire vibrer la couleur, illustrer le vivant dans toute sa complexité, ses élans, sa vitalité. A travers un ensemble exceptionnel d’une centaine de toiles et dessins assemblés avec passion par un collectionneur suisse, les 6 peintres de la scène artistique nationale des Trente Glorieuses que réunit cette exposition – Roger Bissière, ainé et mentor du groupe, Jean Bazaine, Elvire Jan, Jean Le Moal, Alfred Manessier et Gustave Singier – nous donnent une magnifique leçon d’art, loin des explosions impulsives d’un Pollock ou des réductions géométriques d’un Mondrian. Ici nous sommes face à des œuvres qui s’adressent à leur regardeur. Ni tout à fait abstraites ni tout à fait figuratives. Saurez-vous y percevoir les feuilles rouges d’une forêt automnale, les lueurs troubles d’une nuit étoilée, les nuages grondants précédant un orage? Nos artistes, qui ne se réclament d’aucune école ni esthétique commune, se rejoignent au-delà de leur amitié par leur soucis de trouver une voie entre la représentation du monde et une voie plus abstraite. Un pari inconcevable à une époque qui annonçait la mort de la peinture, et qui nous semble ô combien visionnaire aujourd’hui. Exit l’étude des formes – trop figées à leurs yeux – ils nous plongent véritablement dans les émotions ressenties au contact d’une nature en mouvance permanente. C’est l’invention géniale de la « non-figuration ». Miroitement de bleus intenses, de rouges vibrants, de jaunes d’ocre, nous assistons à une valse des énergies, entre ciel, terre, et eaux. La vie n’est-elle pas justement une affaire de ressenti, de vibration ? Le temps est venu de redécouvrir ces artistes injustement écrasés par la peinture américaine de leur temps.
LA PISCINE DE ROUBAIX
Jusqu'au 2 février 2020
23 Rue de l'Espérance, 59100 Roubaix