Trésor national à vendre: l'Evangéliaire de Saint-Mihiel
L’Université catholique de Lille met en vente le trésor de ses collections, le célèbre Evangéliaire de Saint-Mihiel. Le manuscrit roman fut réalisé vers 1040 à l’abbaye de Reichenau, située sur l’île du même nom sur le lac de Constance. Haut lieu de rayonnement spirituel, intellectuel et artistique, le monastère bénédictin héberge notamment aux Xe et XIe siècles un atelier riche de sa précieuse production d’enluminures et de manuscrits.
C’est au Père Charles Didiot, alors futur évêque de Lisieux, que l’on doit sa découverte vers 1830. Acheté chez un libraire de Saint-Mihiel, dans la Meuse, à qui il doit son nom, il fut ensuite confié à un parent, le chanoine Jules Didiot, doyen de la faculté lilloise qui en fait don à la bibliothèque en 1881.
UN TÉMOIGNAGE EXCEPTIONNEL DE L’ENLUMINURE OTTONIENNE
Le manuscrit, daté aux alentours du XIe siècle, regroupe un ensemble deux cent cinquante-quatre feuillets et quinze peintures en pleine page à la polychromie extraordinairement bien conservée et demeure un des chefs-d’œuvre de l’enluminure médiévale. L’école de Reichenau, admirée et reconnue pour la noblesse et la qualité de sa facture et son savoir-faire monastique, fut notamment pionnière dans l’élaboration et la généralisation des canons de l’art roman. On trouve notamment dans l’évangéliaire un portrait de sa commanditaire, Irmengarde de Nellenburg, aux côtés de son époux, Warner Ier, mort lors d’une bataille. Sur cette illustration, la veuve offre au Christ son époux défunt, lui-même tendant l’évangéliaire, double offrande rappelant les images traditionnelles des femmes au tombeau après la Résurrection du Christ.
UNE VENTE HISTORIQUE
Près de trente mille manuscrits enluminés de cette période constituent déjà le fonds de la Bibliothèque nationale de France et est déjà propriété d’Etat. L’exemplaire de Saint-Mihiel, exposé depuis le début du XIXe siècle dans les locaux de l’Université, a finalement été mis en vente en raison des coûts trop importants générés par les nécessaires conditions de préservation d’une œuvre si précieuse. Une partie des revenus engendrés par la vente sera ainsi consacrée à la restauration de la chapelle universitaire Saint-Joseph et à l’acquisition de ressources destinées à la faculté de théologie. Espérant un rachat par le ministère de la Culture qui lui permettrait de rejoindre le fonds de la BNF, l’université se réjouit toutefois de sa nomination par la Commission consultative des trésors nationaux qui permet à l’ouvrage de demeurer sur le territoire français et empêche sa vente à l’étranger.