Une oeuvre spoliée de Pissarro ne sera pas restituée à la famille

 

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Une spoliation sans retour

Fait intriguant… Une œuvre spoliée ne sera finalement pas rendue à sa famille ! En effet, la justice américaine s’est opposée à la restitution de la toile « Rue Saint-Honoré l’après-midi. Effet de pluie » de Camille Pissarro, exposée dans le musée Thyssen-Bornemisza à Madrid. On se souvient d’une affaire similaire datant de juin dernier, lorsque l’œuvre La Cueillette des pois (1887) du même peintre impressionniste avait été rendue aux descendants du collectionneur juif Simon Baueur, qui en avait été dépossédé. Un fait classique, suivant l’ordonnance du 21 avril 1945 qui assure la « nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle ».

Or, ce coup-ci, la Cour d’appel de Californie a confirmé ce 18 août que l’œuvre demeurerait la propriété du musée espagnol. Le procès avait débuté en 2005, après réclamation d’un héritier américain de Lilly Cassiner Neubauer, petite-fille d’un collectionneur juif, qui a été spoliée durant la Seconde Guerre mondiale. Mais après une enquête fastidieuse, les recherches ont retracé le voyage de la toile de l’Allemagne nazie jusqu’à l’Espagne, pour finalement conclure que l’œuvre avait été acquise par le musée en 1993 sans savoir qu’il s’agissait d’un bien spolié. En effet, contrairement à la France, le droit espagnol ne dispose pas de régime spécifique pour les objets ayant été dépossédés aux familles juives durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Une scène parisienne qui a vu du pays

Exécutée en 1897, la toile Rue Saint-Honoré l’après-midi. Effet de pluie de Camille Pissarro représente une scène de vie dans une rue parisienne teintée des couleurs hivernales. On y observe une place avec fontaine, devant de grands immeubles haussmanniens se déclinant à n’en plus finir… Sur les pavés humides, des centaines de petits motifs illustrent les silhouettes et les fiacres en mouvement à la manière des impressionnistes. Une scène urbaine typique des séries réalisées par l’artiste à partir de 1893, lorsqu’il abandonne progressivement les paysages de campagne. Ne pouvant plus peindre en plein air à cause d’une santé en déclin, Pissarro ne peint plus que derrière la fenêtre de sa chambre d’hôtel, place du Théâtre Français, travaillant sur les variations de la vue dans une quinzaine de toiles.

 

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A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Lilly Cassiner Neubauer est contrainte de vendre la toile pour une somme modique à un marchand d’art nazi afin d’obtenir un visa pour fuir l’Allemagne. N’ayant reçu aucun argent jusqu’à la fin de la guerre, celle-ci a lancé un procès en restitution au pays qui lui a finalement versé une compensation financière d’environ 120 000 marks. Quant à la toile, elle ne l’a jamais revue puisqu’elle a été exportée au Etats-Unis et achetée par le baron Hans Heinrich Thyssen-Bornemisza en 1976. Pendant près de vingt ans, l’œuvre va continuer à circuler dans le monde, entre l’Océanie, l’Asie et l’Europe, sans que sa provenance ne soit questionnée. Elle sera finalement acquise par le musée Thyssen-Bornemisza en 1993 et exposée de façon permanente. C’est là que Claude Cassiner, héritier de Lilly Cassiner Neubauer, décide d’entamer des poursuites après avoir reconnu la toile.

Une affaire qui se termine donc après des années de batailles judiciaires, laissant le gouvernement espagnol dans une position assez incertaine. En effet, si l’acquisition a été faite sans connaitre l’histoire du tableau, l’Espagne ne conteste pas pour autant qu’il a bel et bien été pillé pendant la guerre. La décision de le laisser au musée Thyssen-Bornemisza peut ainsi paraître surprenante, à la vue des habituels dénouements des procès pour spoliation.


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