Henri Landier explore les 55 jours du confinement à l'exposition de l'Atelier d'Art Lepic

Atelier d'art Lepic
Du 28 novembre au 24 décembre 2020

C’est une exposition hors du temps que nous allons vivre ici. Nous pénétrons dans l’atelier d’Henri Landier, le grand peintre de Montmartre, qui nous propose ici de redécouvrir ses plus belles œuvres en 55 temps, des œuvres qu’il avait partagées lors du confinement du mois de mars, comme autant de soleils dans nos vies isolées. Car on oublie souvent que le peintre est un créateur solitaire, qui sait composer avec le silence et l’isolement, seul dans son atelier, avec ses toiles et ses pinceaux. Et si finalement, cette expérience pouvait jouer un rôle réunificateur ? Et si l’art était la clé d’une nouvelle union ?

Nous découvrons ici un impressionnant panorama des œuvres d’Henri Landier, depuis ses premières productions en 1952, jusqu’à celles, plus récentes, réalisées à l’occasion du carnaval de Maastricht en mars dernier. Et on s’émeut face à tant de maitrise, l’artiste étant un peintre virtuose, un maître du dessin, un graveur sans égal. Une palette artistique qui décline des décennies de vie, de partage, de générosité. Ici le portrait de son épouse Romaine en colombine. Là ses images de marines nous donnant presque l’impression que le navire traverse un champ de blés, sous des nuages d’écumes. Puis viennent les vues industrielles, se fondant magnifiquement avec les ponts de Paris. Les visages se confondent eux aussi, tantôt songeurs, heureux, amoureux ou nostalgiques, déclinant les émotions d’une vie. Une vie d’amitiés, de rencontres, de rires et de chagrins, une vie d’amour. Il est là le rôle du peintre, nous ramener à l’essentiel, même dans l’épreuve. Nous rappeler les beaux souvenirs qui nous donnent l’énergie d’avancer, illuminer les jours d’une lumière radieuse qui embellit le monde, réveiller notre sensibilité endormie, nous offrir une bulle de respiration, une pause salvatrice, concentrer nos regards sur ce qu’il y a de plus beau. Une exposition qui fait du bien, au moment où l’on ressent tous une furieuse envie de se retrouver ensemble.

 

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Mardi 17 mars 2020, la France est confinée. Henri Landier est en train de peindre dans son grand atelier de la rue Tourlaque qui surplombe Paris depuis la butte Montmartre. Hors du temps, en compagnie de ses toiles et de ses pinceaux, l’artiste est absorbé par son travail. Dans un monde à l’arrêt, la peinture continue de danser. Et si le créateur est un solitaire, ses œuvres ont pour vocation de créer un dialogue entre les êtres, une évasion du quotidien. À une époque où chacun est contraint de faire face à sa solitude, qui mieux que l’artiste peut jouer ce rôle réunificateur ? Lui vient alors une idée : partager une œuvre chaque soir avec sa famille, ses amis, collectionneurs, de ses premières productions en 1952, jusqu’à celles, plus récentes, réalisées à l’occasion du Carnaval de Maastricht en mars 2020. Cinquante-cinq jours durant, une toile ou une œuvre est partagée, expliquée et commentée au cœur de cette petite communauté, comme une éclaircie au sein d’une atmosphère générale un peu maussade. Se crée alors un nouveau lien humain, au travers d’échanges, de poèmes, de photographies, de musiques. C’est cette histoire singulière qui sera racontée lors de la prochaine exposition. Sous l’immense verrière de son atelier de deux étages, l’artiste accueille le public à partager de plus belle ce que la peinture a su unifier. Chaque toile illustre ces 55 jours historiques, de la première journée dans sa morose Rue des saules au portrait posthume de son épouse Romaine qui sonne le glas. Petit à petit, les personnages désertent ses tableaux, pour ne laisser qu’un être, le peintre seul, loin de la foule. Si ses paysages se vident, le public est toujours là pour s’émouvoir, échanger et répondre à cette œuvre puissamment vivante.

Afin de participer à cet exceptionnel dialogue, nous décidons ainsi de partager deux tableaux de différentes époques qui ont su, à leur manière, marquer un soir de confinement :

 

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Focus sur... La roulotte, huile sur toile, 1953

À seulement 18 ans, le jeune Landier réside à Montmartre où il débute une série de 120 huiles, 400 dessins et 45 gravures : sa « période verte ». C’est à cette époque qu’il réalise cette peinture de la place de Clichy, entre scène de genre et paysage urbain. Au premier plan, des arbres nus contrarient le cheminement de notre regard au sein de la toile et, malgré tout, la roulotte rouge au plan médian, garée devant un décor neutre qui lui donne une présence inquiétante, attire d’emblée notre attention. C’est une atmosphère tout à fait étrange qui se dégage de cette composition plongée dans une lumière verte irréelle. On y reconnaît le trait graphique de Toulouse Lautrec et les teintes presque monochromes des premiers Van Gogh.

 

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Focus sur... Romaine en Colombine mauve, aquarelle, 1975

Cette aquarelle témoigne d’une période charnière dans la carrière de l’artiste. Dans les années 1970, Landier expérimente plusieurs styles et techniques et progressivement apparaissent les prémisses de sa patte d’aujourd’hui. Il laisse désormais, en peinture comme en gravure, les contours du dessin bien visibles. C’est ici Romaine Landier, son épouse, qu’il a représentée dans un costume de Colombine avec des yeux, un nez, une bouche, en somme un visage aux formes géométriques. Tandis que les plis de son large vêtement s’entrechoquent au premier plan, le fond laisse quant à lui place à des aplats mauves et bleus d’une grande sobriété qui annulent toute possibilité de perspective.

Nos photos de l'exposition

 

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Interview d'Henri Landier, créer en confinement

À la veille du déconfinement de mai 2020, nous nous sommes entretenus avec l’artiste, pour revenir à ses côtés sur ces 55 jours inédits.

Dimanche 10 mai. Dernier jour de confinement. Comment avez-vous vécu cette période ?

Pour beaucoup de personnes, cela a été une vraie épreuve de rester enfermé. Mais pour le peintre, il en est tout autre. La peinture est un art solitaire. Même si je n’oublierai jamais ces 55 jours.

Le confinement n’a donc eu aucun impact sur votre peinture ?

Je crois qu’il y a deux types d’artistes. Certains, depuis l’âge romantique, sont en prise directe dans leur création avec ce qu’il se passe autour d’eux. Comme Goya, qui a peint les désastres de la guerre, lorsque les armées de Napoléon sont arrivées en Espagne. De mon côté, j’agis davantage à la manière des peintres classiques. Vermeer, par exemple, a peint des scènes d’intérieur sereines et spirituelles durant la guerre de Trente ans, là où avaient lieu les pires abominations. Il a su se mettre en dehors du monde pour travailler, comme moi avec ma série de toiles sur le carnaval de Maastricht.

Pourtant, on jurerait que vos dernières peintures ont une tonalité singulière...

Cela fait trois ans que j’assiste à ce carnaval. J’en ramène à chaque fois des centaines de dessins, réalisés dans la frénésie du jour et de la nuit. Il est vrai que cette année, je me suis davantage concentré sur des représentations de fin de festivités, lorsque tous les spectateurs se sont dispersés. Dans mes toiles, on voit fréquemment un personnage seul, parfois quelques troupes au loin, mais ce n’est plus le carnaval que je peignais avant février, celui des trompettes, des fanfares, des défilés et de la foule. Les mouvements de foule se font plus rares, les personnages déguisés et masqués semblent sortir de la toile pour nous ramener à nos propres questionnements. Est-ce que cela signifie que le confinement m’a influencé de manière inconsciente ?

Un carnaval où les masques tombent ?

Peut-être un peu, oui. Me sont aussi revenues en mémoire des images moins joyeuses de cette grande fête. Des personnages qui restent en dehors de la gaité populaire. Isolés. Coupés du monde. Comment ne pas voir le monde autrement ?

 

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Focus sur... Autoportrait à Maastricht, 2020

Confiné dans son atelier parisien, Henri Landier continue sa série du carnaval, avec des autoportraits singuliers. On y voit le peintre costumé au premier plan, silencieux, casquette baissée, seul sur une grande place vide. Dans des couleurs froides et hivernales, on ressent toute la mélancolie d’un lendemain de fête, là où le peintre erre sans savoir où aller. L’habituelle rythmique de ses toiles laisse place à un paysage qui ne se meut plus : il demeure droit et immobile, silencieux et déserté, contrastant avec la foule des précédentes toiles.

 

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Henri Landier, La vie en couleurs

De sa palette vibrante de pigments jaillit l’onde insaisissable des nuances joyeuses et vives qui habitent son œuvre. Vives, mais jamais criardes. C’est que le peintre a toujours employé cette harmonie, à la fois douce et brûlante de vie, qu’ont su trouver les grands noms qui l’ont précédé. Matisse et sa Chambre rouge, la Montagne Sainte-Victoire de Cézanne, la Porte du jardin de la villa Le Bosquet, de Bonnard : on discerne dans l’œuvre de Landier l’influence des plus grands maîtres. Il a pourtant élaboré sa propre manière, la travaillant et la retravaillant sans cesse depuis plus de soixante ans. À croire que pour cet amoureux de la beauté, peindre, c’est vivre.

 


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