La collection Morozov et ses chefs-d’œuvre de l'art moderne exposés à la Fondation Louis Vuitton
Fondation Louis Vuitton
Du 22 septembre 2021 au 3 avril 2022
La Fondation Vuitton renchérit une fois de plus sur ses expositions spectaculaires lors de cette nouvelle saison. Après avoir fait venir à Paris la Danse de Matisse, le Cri de Munch avec son garde du corps privé, il est désormais question de faire se déplacer 200 chefs-d’œuvre de l’art moderne qui n’étaient pas venus en France depuis des années et n’y reviendront peut-être jamais. Nous entrons ici dans les coulisses confidentielles de l’une des plus grandes collections du monde, réunie par deux frères, Mikhaïl et Ivan Morozov. Leurs trésors seront confisqués et nationalisés en octobre 1918 à la suite de la Révolution russe, avant d’être dissouts par Staline en 1948, puis dispersés dans les plus grands musées de Russie. Il a fallu 5 ans de travail et de hautes discussions diplomatiques entre Vladimir Poutine, Emmanuel Macron et le Président du groupe LVMH – la valeur d’assurance se chiffre à plusieurs milliards d’euros – pour faire venir ces chefs-d’œuvre d’Etat qui quittent pour la première fois leur pays d’origine pour rejoindre Paris. Se déploient ainsi sur 3 étages de la prestigieuse fondation, 4000m2 d’espace, les plus précieuses acquisitions des Morozov. Renoir, avec ce portrait de Jeanne Samary présenté lors de la troisième exposition des impressionnistes en 1877, en écho à cette actrice emblématique de la Comédie Française qui avait incarné la Dorine du Tartuffe de Molière et que l’on retrouvera dans Le Déjeuner des canotiers. Les frères Morozov ont un œil que n’ont pas leurs contemporains, ils acquièrent en 1908, « Les deux saltimbanques » de Picasso, pour 300 francs à peine. S’offrent le « Pot bleu et citron » de Matisse pour 500 francs ou un bronze de Camille Claudel pour 300 francs. Ivan aura ainsi réuni 17 toiles de Cézanne (dont deux vues de la montagne Sainte-Victoire), des peintures exceptionnelles comme cette marine de Van Gogh sculptant la mer dans la peinture, ou cette scène de prison méconnaissable pour ceux qui identifient l’artiste à ses tournesols, une toile qu'il peignit à Saint-Rémy d'après une gravure de Gustave Doré… Des pastels de Toulouse Lautrec rarement exposés, des dessins de Degas à couper le souffle, d’une fragilité inouïe. Des tableaux de Bonnards immenses en triptyques virevoltants. Des toiles de Gauguin qui nous propulsent à l’autre bout du monde, dans un paradis exotique perdu, jouant sur une palette d’émotions et de couleurs absolument enivrantes. Mais aussi des toiles de Monet, Signac, Dufy ou des bronzes de Maillol et Rodin. Pas seulement des chefs-d’œuvre français mais aussi des pièces maîtresses de l’avant-garde russe dénichées à l’orée du XXe siècle. Un exploit de réunir tant de trésors qui n’avaient jamais voyagé. Pour clore le tout, l’exposition se termine par le décor monumental commandé par Morozov au nabi Maurice Denis, composé de sept panneaux illustrant l’histoire de Psyché, en vue de décorer la salle de concert de son hôtel particulier. Une œuvre titanesque pour la première fois exposée hors de Russie, dans son intégralité, magnifiquement exposée dans une scénographie dédiée. Un coup d’éclat qui intervient 5 ans après l’exposition blockbuster de la collection Chtchoukine qui avait réuni plus d’un million de visiteurs. Un record qui pourrait bien être dépassé…
Avez-vous déjà entendu parler des frères Morozov, éminents collectionneurs qui dominèrent l’émulation culturelle moscovite au tournant des XIXe et XXe siècles et livrèrent une féroce concurrence à leur grand rival Sergueï Chtchoukine ? Cette exposition inédite de la Fondation Louis Vuitton rassemble 200 chefs-d’œuvre amassés par les Morozov, qui se rendaient régulièrement à Paris pour se fournir en tableaux auprès des plus grands collectionneurs de l’époque comme Ambroise Vollard ou Paul Durand-Ruel. La collection des deux frères, confisquée et nationalisée en octobre 1918 à la suite de la Révolution russe, avant d’être dissoute par Staline en 1948, fut dispersée entre différents musées russes. Pour la première fois, la collection Morozov quitte son pays d’origine pour rejoindre Paris, grâce entre autres aux prêts exceptionnels du musée de l’Ermitage. Se déploient ainsi sur les 4000m2 d’espaces les plus prestigieuses acquisitions des Morozov, particulièrement friands des impressionnistes et postimpressionnistes. En collectionneur avisé, l’un des frères, Ivan, sera parvenu à mettre sur pied un fonds éclectique comprenant, parmi tant d’autres chefs-d’oeuvre, dix-sept toiles de Cézanne (dont deux vues de la montagne Sainte-Victoire), le Café de nuit de Van Gogh, qu’il se procure à l’époque pour seulement 7500 francs, mais aussi des toiles de Picasso, Matisse, Monet, Signac ou des bronzes de Rodin et Maillol, ainsi que de nombreux tableaux de l’avant-garde russe par Morozov dénichés à l’orée du XXe siècle. Pour clore le tout, l’exposition se termine par le décor monumental commandé par Morozov au nabi Maurice Denis, composé de sept panneaux illustrant l’histoire de Psyché, en vue de décorer la salle de concert de son hôtel particulier. Une oeuvre titanesque pour la première fois exposée hors de Russie, dans son intégralité, qui fera logiquement l’objet d’une scénographie dédiée. En définitive, c’est avec tout un pan de l’histoire de l’art moderne que cette exposition vous donne rendez-vous.
Focus sur Auguste Renoir, La Rêverie, 1877
Présenté lors de la troisième exposition des impressionnistes en 1877, ce portrait de Jeanne Samary, actrice qui montait pour la première fois sur la scène de la Comédie Française quelques années plus tôt dans le rôle de Dorine du Tartuffe de Molière, ne fit pas l’unanimité de la critique. Il s’agit d’une des premières œuvres de la période impressionniste d’Auguste Renoir, qui continuait alors comme d’autres de ses compagnons (Monet, Degas, Cézanne, etc.) d’essuyer de virulentes critiques depuis leur première exposition commune de 1874. Le style du peintre atteint ici son paroxysme : Renoir envoie sur la toile des touches de couleurs plus vives et simplifiées, si élancées qu’elles semblent imprégnées du geste de l’artiste, comme si le personnage même était resté figé à l’état d’esquisse. Il n’y a alors plus de nette distinction entre le modèle et son environnement, qui ne forment plus qu’un seul et même être. Le portrait de Jeanne Samary nous apparaît ainsi telle une déformation de notre propre perception : avec sa posture contemplative et ses yeux bleus lumineux, l’actrice nous transperce du regard et partage avec nous le sentiment de rêverie qu’a voulu dépeindre Renoir, qui rompt ici avec le clair-obscur classique pour atteindre une clarté sans failles. Baigné dans cette atmosphère cotonneuse, le portrait prend soudainement toute l’épaisseur d’un souvenir qui nous replonge dans la vision même de l’artiste devant sa toile encore vierge. Renoir réalisera au total une douzaine de portraits de l’actrice, la faisant notamment figurer dans Le Déjeuner des canotiers. Cependant, fâchée par l’accueil mitigé que son portrait reçut, Jeanne Samary finira par rompre sa collaboration avec le peintre en 1880, lui préférant la palette plus académique d’une peintre comme Louise Abbéma (à qui l’on doit notamment plusieurs portraits de la Sarah Bernhardt) qui mettra en scène de manière plus traditionnelle son statut social.