Dos à la mode / Back side
Musée Bourdelle
Du 5 juillet au 17 novembre 2019
Une exposition qui ne nous montre que le dos des œuvres, c’est l’idée géniale du Palais Galliera, qui – en attendant sa réouverture – est exceptionnellement hébergé par le Musée Bourdelle. Le principe ? Exposer la mode, vue de dos. Une idée saugrenue ? Peut-être pas. L’idée est de casser les codes, de supprimer le visage devenu une véritable obsession contemporaine dirigée par les selfies à gogo, ici exit le visage, le vêtement reprend le dessus. Et quel plus beau lieu pour une telle démonstration que les ateliers du sculpteur, encore dans leur jus, ces dos sculpturaux qui se dressent au milieu des silhouettes élancées des podiums.
L’exposition retrace quatre siècles de mode au travers d’un défilé sensationnel d’une centaine de silhouettes et d’accessoires du XVIIIe siècle à aujourd’hui, agrémenté d’extraits de films, de photographies de JeanLoup Sieff, nous menant de la majestueuse salle des plâtres aux ateliers d’Antoine Bourdelle. Une mode qu’on ne voit pas au premier regard, enfin mise en lumière.
Le dos, c’est la seule partie du corps que nous voyons pas, que nous avons du mal à toucher, et pourtant un vrai sujet pour les créateurs de mode qui ne cessent de l’orner, de le charger ou de le dénuder. D’un vêtement à la traine, il deviendra une pièce emblématique de la garde-robe, en do(s) majeur qui n’échappera pas à tous les regards… La mode, côté pile, c’est par ici.
Pour certains, le dos a toujours été le parent pauvre de la mode, pas si simple. Car chez les femmes, la traîne s’impose dès le XIIIe siècle pour différencier les riches des pauvres, imposant une distance (physique) avec les autres, un espace infranchissable, une traîne dont la longueur déterminait le rang de celle qui la portait, de 3 mètres de long pour une baronne à 13 mètres pour la Reine de France.
Le dos c’est aussi parfois un débat sociétal. Prenez par exemple les corsets, impossibles à fermer soi-même, imposant à la femme qui le portrait une aide. Une forme d’avilissement au vêtement reprise par Jean-Paul Gaultier avec génie dans ses créations ou par John Galliano, avec sa robe fourreau fermée par 51 boutons… de dos bien-sûr ! Il a bon dos notre dos !
Dénuder le dos c’est aussi le moyen de contrer la censure… Quand dans les années 30, le code Hays interdit les décolletés plongeants des actrices dans les films américains, les créateurs de mode rivalisent d’originalité et dénudent… l’arrière. Le dos devient dès lors l’objet de désir et de sensualité par excellence, et son vêtement une arme de séduction massive. Comment ne pas penser à la robe iconique de Mireille Darc créée par Guy Laroche dans le Grand Blond avec une chaussure noire, qui désarmera notre timide Pierre Richard en dévoilant un dos à la limite de l’indécence.
Le dos est aussi un support – plat – d’expression. A la fin du XIXe siècle, on verra apparaître les dossards pour les premiers Jeux Olympiques, plus tard, c’est au tour des Black Panthers de broder leurs messages contestataires à l’arrière de leurs blousons, aujourd’hui on verra le maillot du prodige Kylian MBappé, ou la fameuse parka kaki de la First Lady américaine, Melania Trump qui avait tant fait polémique en affichant au monde entier qu’elle n’en avait strictement rien à faire… Oui mais de quoi ? Des medias, des infidélités de son mari ou du centre de migrants qu’elle visitait ce jour-là ?
Une visite enthousiasmante, qui enchaîne les pièces cultes de la mode, de la dentelle d’Yves Saint Laurent, aux plissés délicats de Rick Owen, des ondulations subtiles d'Alaïa aux lacets de Jean-Paul Gaultier, des volumes déstructurés de Yamamoto aux excentricités de John Galliano, en passant par Givenchy, Balenciaga, Mugler ou Prada et son sac à dos, une exposition très haute-couture.
BACK SIDE
Vous connaissez tous des portraits de dos en peinture : un personnage énigmatique, dont on tente d’imaginer le visage, les expressions et les émotions. Tous les grands peintres ont étudié cette posture, car loin de mettre le spectateur à distance, elle le fait entrer autrement dans le tableau, en suscitant sa curiosité et ses interrogations. Dans la mode c’est la même chose, un vêtement vu de dos interroge la perception que nous avons de notre dos et de celui des autres. Une thématique originale que propose le Palais Galliera dans un parcours hors les murs consacré au vêtement vu de dos, présenté au Musée Bourdelle. Ce thème offre du même temps un regard inédit sur les œuvres du grand maître de la sculpture, mettant en lumière ses dos à la musculature puissante et ses profils graciles. Dans une société obsédée par le visage et le corps, il peut être intéressant de s’interroger sur les liens qu’ils entretiennent avec le vêtement, d’un point de vue social et psychologique. Le dos rappelle à l’Homme ses propres limites, car jamais nous ne pourrons croiser les regards qui lui sont accordés. Quelle personne imagine-t-on lorsqu’il est dénudé, orné de dentelle, couvert d’un sac à dos ou contraint par une fermeture ? La sensualité d’un décolleté ou la musculature puissante d’un dos influence notre imaginaire. Pour en faire l’expérience, une centaine de silhouettes et d’accessoires du XVIIIe siècle à nos jours issus des collections de Galliera - complétées par une sélection d’extraits de films et de photographies - seront offerts à vos regards pour comprendre les messages que renvoient la zone la plus plane de notre corps.
While fashion usually likes to be admired from the front, the exhibition Back Side in the Musée Bourdelle focuses all attention on the back.