Du 9 mars au 26 mai 2019 - 
Musée des Beaux-Arts de Valenciennes

C’est une très belle exposition que nous propose le Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, belle, et, passionnante. On rappelle que nous sommes ici dans l’un des plus beaux musées de France, qui ressemble au Petit Palais de Paris par sa grâce et son architecture exceptionnelle. On rappelle aussi que nous sommes ici à Valenciennes, sans doute la ville la plus primée par les illustres prix de Rome, plus d’une vingtaine à son actif, c’est juste colossal – avec en tête de file évidemment Jean-Baptiste Carpeaux ! Le grand prix de Rome c’était la référence ultime sur la scène artistique internationale au XIX^eme siècle, un concours tricentenaire permettant aux artistes d’aller se former en Italie… Jusqu’à sa suppression en 1968 par André Malraux. Au nom de … la modernité. Un grand mot autant qu’un « gros » mot, qui englobe bien tout ce qui nous arrange… Futurisme, Cubisme, Surréalisme, Suprématisme, Constructivisme… jusqu’à l’art contemporain…

Cette modernité encapsule un monde en perpétuelle mutation, un art qui s’inscrit naturellement en rupture avec l’académisme, qui refuse de se plier aux règles classiques, qui détruit tout pour mieux créer, pour mieux avancer… Une rupture incessante qui ira jusqu’à rompre avec ses propres ruptures, jusqu’à détruire ses propres nouveaux fondements, peu importe le prix pourvu que les règles soient brisées. Alors ? Comment exposer la modernité ? Ici dans ce temple des Beaux-Arts de Valenciennes ? Dans une ville artistique qui tire son prestige de ses "prix de Rome". Eh bien en révélant au public les coulisses trop méconnus de la passionnante vie du musée, faite d’acquisitions d’œuvres d’art au fil des ans, des œuvres de la modernité justement, une modernité ouverte, plurielle et changeante. Des œuvres charnières, des jalons dans l’Histoire de l’Art, qui capturent l’essence de leur temps, et qui pour certaines n’avaient jamais encore été présentées au public. On retiendra notamment cette œuvre de Francis Burette, l’Homme et la Mer, pressentie lauréate pour le Prix de Rome de 1960. Mais cette année-là, aucune récompense ne fut remise, le jury manifestant son rejet de la tendance des artistes à l’Abstraction… La boucle semble bouclée, la modernité rompra incessamment avec elle-même, et se laisse découvrir ici avec un immense bonheur.

Capter la beauté éternelle d’un temps présent en perpétuelle mutation. L’art moderne rassemble les contradictions de notre époque. Sans surprise, il s’inscrit naturellement en rupture avec l’académisme, qui puisait ses références dans le passé ou l’exotisme d’un ailleurs fantasmé. Dès la seconde moitié du XIXe siècle émerge dans l’art occidental cette notion de modernité. Mais quelles formes peuvent alors prendre les œuvres dites "modernes", d’artistes valenciennois, formés dans une ville qui tire son prestige de ses "prix de Rome" - artistes honorés par une Académie peu à peu renversée par l’émergence de la modernité ?

La question fait appel à des réponses multiples, selon la singularité de chaque artiste, de l’école dans laquelle il entend – ou n’entend pas – s’inscrire, et du contexte historique, voire politique dans lequel il s’inscrit. À l’image de la modernité, ces artistes se font pluriels et changeants. Ce sont donc dans toutes ces « modernités », qu’un mot englobe à lui seul pour signifier un monde en transformation, que le Musée des Beaux-Arts de Valenciennes vous emmène à travers une sélection d’œuvres insuffisamment connues, à la redécouverte de courants artistiques avec lesquels on aura voulu rompre, et pour ce faire, auxquels on aura rarement manqué de se référer… Un paradoxe de plus, qui signale que nous n’aurons jamais terminé d’évoquer la modernité.