Les plus beaux tableaux sur la danse, de Degas à Matisse
À l’occasion de la Journée internationale de la danse, nous vous proposons de redécouvrir les plus beaux tableaux consacrés à cet art mystérieux qui a tant fasciné les peintres, des ballerines en tutu aux bals mondains.
Parce qu’elle est l’art du mouvement par excellence, la danse ne se laisse pas facilement saisir par l’artiste, dont elle met à l’épreuve l’habileté. Cela n’a pas empêché ceux-là de se prendre de passion pour cet art de la sensualité où les corps sont transcendés. Des danseuses classiques des ballets à la valse des grands bals mondains, en passant par la kermesse populaire et les bacchanales antiques, redécouvrez les plus beaux tableaux consacrés à la danse.
Tutus, ballerines et pointes : la danse classique
Il y a fort à parier que les ballerines en tutus blancs soient la première image qui vous vienne à l’esprit lorsque l’on évoque la danse. Cet accessoire, qui s’est imposé au début du XIXème siècle avec l’avènement du ballet romantique – notamment Giselle –, a fait l’objet de mille représentations. Mais derrière ces jupes légères, constituées de couches successives de tulle et de mousseline, se cachent des corps de femmes sensuels, bien souvent objet du désir de celui qui les représente.
Edgar Degas est passé à la postérité comme LE peintre des danseuses classiques, lui qui a passé tant de temps à les peindre, dans les salles de répétition, dans les coulisses ou sur scène. Loin du glamour aujourd’hui associé aux danseuses, Degas peint des êtres d’une grande fragilité, des corps durement éprouvés par l’exercice (La classe de danse), osant des cadrages inédits (Répétitions d’un ballet ; Musiciens à l’orchestre) et des couleurs audacieuses (Danseuses bleues ; Danseuse verte).
French Cancan, revues et Moulin-Rouge : la danse au cabaret
Si Degas a immortalisé la figure de la ballerine, c'est à Toulouse-Lautrec que l'on doit incontestablement la popularité de celle de la danseuse de cabaret. Son oeuvre nous plonge dans les cafés-concert de la fin du XIXème siècle, lieux de plaisir où l'on boit, danse, s'amuse, et parfois se rince l’œil. Couleurs criardes, ambiances bruyantes, expressivité des corps ... Tout dans les tableaux de Toulouse-Lautrec nous entraîne dans l'insouciance festive digne de la Belle époque à venir.
Plus que n'importe quel autre artiste, Toulouse-Lautrec a saisi l'ambiguïté des danseuses de French Cancan, leur élégance kitsch, leur légèreté grossière, et leur sensualité parfois à la limite de la morbidité? Des cinéastes comme Jean Renoir (French Cancan) et John Huston (Moulin-Rouge) sauront s'en souvenir quelques décennies plus tard.
Robe de soirée, redingote et champagne : le bal mondain
La danse est au XIXème siècle, avec le théâtre et l’opéra, l’un des loisirs les plus appréciés des hautes classes de la société. À l’instar des grandes fêtes organisées par l’Opéra de Paris, les bals publics deviennent de véritables institutions, des événements où le tout Paris se presse. Entre le Second Empire et le début de la IIIème République, de nombreux peintres immortalisent ces bals mondains où seule une certaine artificialité peut rivaliser avec le faste déployé.
Plutôt habitué aux milieux populaires, Pierre-Auguste Renoir a parfaitement saisi l’élégance teintée de rigidité de ces grandes fêtes dans Danse à la ville. Maître incontesté du rendu du tissu, James Tissot a quant à lui fait son miel des robes vaporeuses des dames de la haute société, créatures aériennes quasi fantomatiques qui hantent les salles de bal (Bal sur le pont ; Evening). D’autres peintres, comme Henri Gervex et Jean Béraud, ont su saisir l’atmosphère si particulière de ces bals, subtil mélange de mondanité et d’amusement (Une soirée de Jean Béraud) où l’on succombe au tourbillon de la valse – tourbillon enivrant (La Valse de Félix Valloton) dont on s’échappe un instant pour se reposer (Le bal d’Henri Gervex). (Carnavalet)
Fête paysanne, guinguette et vin : le bal populaire
Loin d’être les seuls à danser, les bourgeois sont rudement concurrencés par les classes populaires, moins guindées quand il s’agit de se trémousser. Une fois encore, Pierre-Auguste Renoir a su saisir avec talent l’ambiance populaire des bals donnés dans les guinguettes de bords de Seine (Danse à Bougival).
La danse populaire fait l’objet de représentations picturales depuis la fin du Moyen-Âge au moins. On en trouve de très réussies chez les peintres flamands dit primitifs, notamment chez la dynastie des Bruegel (La danse des paysans). Scène de genre par excellence, la fête villageoise se prête parfaitement à la représentation de la danse, moment quasi carnavalesque où les corps explosent dans une ronde joyeuse bien souvent avinée, parfois à la limite de la bagarre, comme dans l’arrière-plan de La Kermesse ou Noce au village de Pierre-Paul Rubens ou La Danse de l’œuf de Jean Steen.
Emportés dans une forme de transe, les danseurs représentés semblent parfois même s’adonner à un rituel païen millénaire, invoquant les esprits de la nature, comme dans cette scène de danse tahitienne peinte par Paul Gauguin dans Upa Upa, la danse du feu.
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Ronde céleste et sabbat infernal : la danse et l'au-delà
On ne peut pas dire que l’Eglise soit la plus grande promotrice de la danse – pratique jugée beaucoup trop sensuelle pour être pieuse – ni que les anges soient connus pour leur réputation de danseur ! La danse n’en garde pas moins une place particulière dans l’iconographie chrétienne, tantôt positive, tantôt négative. La danse peut servir à manifester la joie des élus à l’entrée des cieux, entourés par les anges, qui laissent exploser leur soulagement après avoir gagné le précieux sésame pour le paradis (Le Jugement dernier de Fra Angelico).
Mais bien souvent, la danse se pare d’habits sombres, lugubres, voire morbides. Le motif de la danse macabre apparaît autour du XIVème siècle, période de grande incertitude spirituelle, fleurissant sur les murs des églises et aux abords des cimetières. Les artistes représentent les squelettes entraînant les humains dans une sarabande infernale (Danse macabre de Bernt Notke). Une dernière danse au goût amer …
Boléro, éventails et castagnettes : la danse espagnole
L’Espagne représente au XIXème siècle une oasis d’exotisme pour les peintres désargentés qui ne peuvent se permettre de voyager à l’autre bout de la planète. Pour goûter à la chaleur espagnole, rien de mieux qu’une petite initiation à la danse flamenco, typique du folklore andalou. On y voit encore peu de robes à pois, qui seront popularisées au fil du siècle suivant, mais on y trouve déjà de longs châles, des boléros pour les hommes et de nombreux clappements de mains.
Certains peintres ont saisi cet art sensuel dans sa plus pure tradition, comme John Singer Sargent (Spanish Dancer) ou Toulouse-Lautrec (Danseuse espagnole), saisissant la chaleur et l’ivresse qui se dégagent de cette danse hypnotique, voire érotique (La femme au tambourin de Picasso). D’autres, comme Manet, ont préféré représenter des formes hybrides de flamenco où la danse populaire rencontre l’art du ballet (Ballet espagnol).
Toge, nymphes et orgie : la danse dans l’Antiquité
La danse a été représentée de nombreuses fois dans l’Antiquité, particulièrement gréco-romaine. Fresques, poteries et sculptures fourmillent de satyres et de nymphes entraînés dans la danse par Bacchus/Dionysos, dieu du vin et de la démesure. Les peintres des siècles suivants s’en sont largement inspirés pour représenter la danse, préférant tantôt la mesure apollinienne à la démesure dionysiaque.
Les peintres de la Renaissance, puis classiques et baroques y ont vu une illustration parfaite de la mesure, de l’équilibre et de la beauté promues par les penseurs et artistes antiques, notamment Andrea Mantegna (Mars et Vénus, ou le Parnasse), Le Titien (Bacchanale des Andriens) ou Nicolas Poussin (La Danse de la vie humaine). Le thème traverse les époques jusqu’à la fin du XIXème, où un peintre comme Corot prolonge l’imaginaire des nymphes (Une matinée : danse des nymphes).
Un peu plus proche de nous, moins exotique et plus énigmatique, La Danse de Matisse témoigne de cette fascination pour la danse antique. Le peintre abandonne ici tous les stéréotypes (toge, satyres et forêts) pour représenter des danseurs, inspirés des corps antiques, s’adonnant à un rituel chorégraphique qui semble remonter à l’aube de l’humanité, une transe joyeuse et insouciante au cours de laquelle l’homme ne fait plus qu’un avec la musique.