Elles font l'abstraction, une exposition manifeste au Centre Pompidou
Centre Pompidou
Du 19 mai au 23 août 2021
On se plaît souvent à fantasmer l’artiste maudit qui, du fond de sa petite chambre, mène une vie de bohème et peine à exposer ses œuvres, trop ambitieuses pour être comprises. L’ironie du sort le fait naître homme dans notre esprit. N’est-ce pourtant pas l’histoire tragique de nombre de femmes artistes qui se sont vu refuser les portes des galeries et des musées au seul motif de leur sexe ? Encore aujourd’hui sommes-nous bien incapables de citer une dizaine de noms, tant la représentation féminine est pauvre dans nos expositions. Pour remédier à cela, le Centre Pompidou met en lumière celles qui ont fait l’abstraction, à commencer par Hilma Af Klint (1862-1944), une plasticienne suédoise considérée comme la véritable pionnière de l’art abstrait. Autour d’une centaine d’artistes et de plus de 500 œuvres allant des années 1860 à la fin des années 1980, le parcours dévoile la place décisive de femmes trop souvent éclipsées de l’histoire de l’art aux quatre coins du monde. Peintres, sculptrices, mais aussi danseuses, photographes ou cinéastes... C’est tout un récit du féminisme qui se construit pour illustrer les pratiques et les théories de chacune, revendiquant parfois un « art féminin » ou cherchant au contraire à le dépasser. Si on a voulu faire de l’art abstrait une affaire d’hommes, on découvre pourtant des artistes novatrices, entre les monochromes blancs de la Française Aurélie Nemours (1910-2005), le design géométrique de la Libanaise Saloua Raouda Choucair (1916-2017) ou l’art algorithmique de la Hongroise Vera Molnár (née en 1924). Tant de parcours qui permettent de réécrire l’Histoire, mais aussi de nous questionner plus largement sur l’habituelle hiérarchisation des arts et sur l’hégémonie du modèle occidental.
Trois portraits
Vera Pagava (1907-1988)
Peintre géorgienne exilée en France, Vera Pagava se tourne très vite vers les arts plastiques. Elle est exposée pour la première fois en 1944, au côté de Dora Maar. Bien que figurative, sa peinture tend déjà vers l’abstraction : le schématisme et les couleurs restreintes de ses toiles témoignent de sa volonté d’atteindre une forme essentielle. Qu’il s’agisse de portraits ou de natures mortes, Vera Pagava se concentre sur le jeu des motifs de la toile. Une réflexion qu’elle prolonge dans les années 50 avec des jeux d’optique où les motifs se démultiplient et les plans se confondent, non sans évoquer de grands noms du cubisme.
Georgiana Houghton (1814-1884)
Georgiana Houghton était une artiste britannique de l’époque victorienne et grande adepte du spiritisme. Pour créer ses œuvres, Houghton se laisse guider par ses visions lors de ses séances de divina - tion, non sans rappeler la dé - marche des surréalistes au XX e siècle. Au fur et à mesure de ses expérimentations, Houghton vire vers l’abstraction complète, préfigurant ainsi un concept ar - tistique qui n’émergera qu’au XX e siècle avec par exemple Kandinsky. Malgré l’exposition d’une centaine de ses aquarelles à la New British Gallery de Londres en 1871, son œuvre ne sera redécouverte que sur le tard.
Lynda Benglis (née en 1941)
Née en Louisiane, Lynda Benglis s’est fait connaître pour ses créations, mélange de peinture et sculpture, qui re - mettent en question les codes du modernisme et du minimalisme. Sa série des Fallen Paintings, où l’artiste déverse à même le sol des pots entiers de latex coloré, fait référence à l’œuvre de Jackson Pollock et inter - roge la mort de la peinture. Ses œuvres lyriques et parfois excentriques ont souvent fait polémique, y compris parmi les féministes de son temps, comme lorsqu’elle apparut entièrement nue et dans une pose très provo - cante dans les pages d’un magazine d’art contemporain.