Est-ce que j'ai une gueule d'Arletty ?, le spectacle aux 2 Molières est de retour au Théâtre Michel
Théâtre Michel
Du 12 mars au 30 juillet 2022
Nous nous sommes rendus entre les murs du Théâtre Michel pour assister à une représentation du spectacle Est-ce que j'ai une gueule d'Arletty ?, célèbre pièce aux 2 Molières. Alors, qu'est-ce qu'on en a pensé ?
A 21h00, le théâtre s'assombrit brusquement, alors qu'une silhouette féminine, toute d'argenté vêtue, se glisse hors de la scène et vient prendre place, à demi-assise sur l'un des balcons de la fosse. Foulard sur la tête, fourrure autour du cou et lunettes sur le nez, la comédienne Elodie Menant ne se fond que trop bien dans le personnage de Léonie Bathiat. S'en suit une séquence musicale endiablée, dans laquelle elle est rejointe par les trois comédiens qui partageront, le temps d'un spectacle fascinant, la scène à ses côtés. Ca y est, nous voilà lancés dans la folle histoire, biopic aussi délicieux que révélateur, de la grande Arletty.
Retour en 1898, où Léonie Bathiat voit le jour, d'une mère lingère et d'un père conducteur de tramway. Une enfance troublée, bien que plutôt heureuse, où la future star en devenir va de rencontres en rencontres, qu'elles soient amicales ou amoureuses. Des premiers émois jusqu'au début d'une grande carrière, la jeune Arletty y est dépeinte comme un esprit libre, furieusement libre, cloisonné dans un monde auquel elle n'appartient pas. Une soif de vivre qui ne s'essouffle pas jusqu'à son arrivée sur le sol parisien, où elle découvre le cabaret, le chant, la danse, le mannequinat et surtout, le cinéma. Une révélation pour ce talent brut, qui s'essayera aux rôles façonnés sur mesure par Marcel Carné, Jacques Prévert ou encore Henri Jeanson, et y trouvera une gloire qu'elle n'avait pas osé espérer. Jusqu'au jour où elle voit sa carrière brisée, lorsqu'elle tombe amoureuse durant l'Occupation d'un officier allemand, histoire sentimentale qui la rend soupçonnable de collaboration, et qui lui vaudra la phrase mythique que nous connaissons tous : "mon cœur est français mais mon cul est international !". Un passage ensuite dans une pièce de Jean Cocteau, qui renoue son amour envers la scène, et une fin de vie imminente pour une actrice de 94 ans devenue aveugle, qui a "inventé son style et l'a trouvé sans se chercher" (Henri Jeanson).
Un destin tumultueux, rocambolesque, souvent vertigineux, rendu à la vie de façon admirable par Eric Bu et Elodie Menant, co-auteurs de la pièce. La mise en scène signée Johanna Boyé brille par son efficacité et sa pertinence, qui font de ce biopic musical une véritable révélation. De la vie de Léonie Bathiat, très certainement, mais aussi du talent de ces quatre comédiens, réunis sur scène dans une synergie folle et interprétant, à eux seuls, pas moins de 40 personnages emblématiques, de De Gaulle jusqu'à Cocteau. Pendant 90 minutes, théâtre, cabaret, danse et chant se mêlent dans une fluidité parfaite et un choix des séquences réfléchi, qui font de ce spectacle une réussite confirmée par les 2 Molières déjà remportés. Pièce de tous les oxymores, Est-ce que j'ai une gueule d'Arletty fait transparaitre la joie, la tristesse, l'amour, la désinvolture et les hauts et les bas d'une vie mouvementée, entre l'Auvergne et Paris, entre l'usine et la scène et entre la solitude et les rencontres. Sans jamais sombrer dans la caricature, le spectacle offre un moment rieur, une parenthèse des plus bienvenues tant elle apprend autant qu'elle réjouit, dans une biographie réaliste et virevoltante qui en fait un défi remporté haut la main. En quelques mots, une ode magistrale à l'euphorie de la vie, à la liberté et à la modernité !
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