Bacon. En toutes lettres

Centre Pompidou
Du 11 septembre 2019 au 20 janvier 2020

C’est l'un des plus grands artistes du XXe siècle, l’un des artistes les plus chers au monde, son triptyque d’étude de Lucian Freud s’était vendu 142 millions de dollars en 2013. Pourtant, Francis Bacon n’avait pas été exposé à Paris depuis 23 ans. Direction le Centre Pompidou pour une exposition qui promet de marquer les esprits. Ne sont réunis ici que des chefs-d’œuvre de l’artiste, réalisés dans les 20 dernières années de sa vie (1971-1992), sa période la plus « cotée » et aimée du grand public. Une soixantaine d’œuvres dont 12 triptyques, du jamais-vu !

L’angle choisi par le musée pour mettre en scène cet immense artiste n’est autre que son goût pour la littérature, mettant en regard de ses toiles monumentales les textes littéraires ou philosophiques qui l’ont inspiré, lui qui possédait une bibliothèque de plus de mille ouvrages. Pas d’inquiétude, vous ne serez pas au coude à coude pour admirer les petites pages de ces livres puisque la scénographie nous plonge dans l’imaginaire de Bacon, faisant résonner dans les espaces d’exposition des lectures de ses textes chéris – Nietzsche ou Leiris parmi d’autres –, comme autant de phrases qui revenaient dans sa tête ou sa mémoire. Et pour être honnête, cet angle littéraire d’exposition se retrouve complètement submergé par la puissance des peintures de Francis Bacon, écrasante, fascinante presque obsédante. Sa palette d'abord. Incandescente, électrique. Orange vif, jaune citron, rose bonbon, vert amande… Une révélation. Des couleurs innocentes qui nous attirent comme du miel avec les abeilles. Son trait ensuite. On sent ici que nous sommes face à une œuvre accomplie, Bacon a trouvé son style, son geste est fluide, son dessin touche au génie, peu de lignes pour tout dire, son sens de la composition est époustouflant. L’artiste nous raconte des histoires, dessinées en chapitres mis en scène dans les pans de ses triptyques. Il y dispose des éléments, dissimulés comme autant de codes à décrypter, qui permettent à chacun de narrer sa propre histoire. C’est cette polarité extraordinaire entre la douceur vive des couleurs et la violence torturée des images qui nous trouble et nous attire. Car Bacon nous disait vouloir peindre la vie elle-même. Par essence, en mouvement permanent, si difficile à capter dans une toile figée. Alors il peint le mouvement pour lutter contre cet état statique qu’il refuse. Il dessine les contours de l’âme, tourmentée, torturée. Il peint la mémoire, vivace et floue à la fois. Il n’embellit rien, il nous livre la vie, la vraie, comme une tragédie grecque, tentant désespérément et magnifiquement de concilier les opposés, d’accepter la déchéance comme une part du Sublime de l’existence. Loin de l’idéalisme. Comme sa vie, à lui. Homosexuel dans une Angleterre qui ne dépénalisera l’homosexualité qu’en 1967, bagarreur, rebelle refusant les conventions en criant haut et fort que sa plus grande chance fut de n’avoir « aucun professeur ». Bacon fait partie de ces artistes sulfureux qui fascinent par leur art violemment génial. Il est le peintre des corps distordus, écartelés, sanglants. Mais il est plus que ça. Il est le peintre de l’intériorité. Ses œuvres nous font réagir, nous serrent la gorge, nous nouent l’estomac. Choqué ou touché ? Parmi les œuvres phares de l’exposition, il y a les 3 triptyques réalisés en mémoire de George Dyer, son compagnon qui s’est donné la mort dans un hôtel parisien en 1971, deux jours avant l’inauguration de sa rétrospective au Grand Palais. Ils sont là, comme un immense hommage du cœur, une trinité réunie dans une même salle, c’est inédit. Une exposition sensationnelle, au sens propre comme au figuré.

Nos photos de l'exposition :

 

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L’UNIVERS LITTÉRAIRE DU PEINTRE 

« Il y a des livres dont il faut seulement goûter, d’autres qu’il faut dévorer, d’autres enfin, mais en petit nombre, qu’il faut, pour ainsi dire, mâcher et digérer » , disait Francis Bacon, et c’est dans ces derniers que le peintre puisa une inspiration sans fin. Son art s’inscrit dans un univers philosophique qu’il dit partager avec ses auteurs maîtres. Le Centre Pompidou expose les deux dernières décennies de création, de 1971 à 1992, d’un géant de la peinture contemporaine, avec la littérature au centre de l’évènement.

Connu pour ses représentations dures et crues de corps déformés, de chairs montrant un homme aux prises avec son animalité, la peinture de maturité de Francis Bacon est plus simple dans ses lignes et variée dans ses couleurs. Qu’on ne s’y trompe pas ; la violence est toujours au cœur de l’œuvre mais c’est la peinture elle-même et non pas le sujet dont émane toute la force de ses toiles.

Si l’artiste a toujours refusé de poser un nom sur son style, il reste fidèle à la figuration dans une époque obsédée par l’abstraction, et ses sujets déformés restent bels et bien humains. Déformation de la réalité ou au contraire vision naturaliste de la condition humaine ? Si Bacon a choisi Nietzsche comme un de ses maîtres à penser, c’est parce qu’il partage sa méfiance à l’égard de toute sorte de valeur ou de croyance. Le monde des idées ne doit pas interférer avec notre vision et notre ressenti du réel selon l’artiste, d’où l’absence de symbolique et de message dans sa peinture. Celui qui souhaitait « pratiquer une peinture sans distance aucune » refuse que les constructions de l’esprit couvrent la perception  primaire des choses, et surtout de la présence de l’autre et de son corps. Sans doute cela explique-t-il que l’émotion brute ressentie par le spectateur face à une toile de Bacon est sans pareille. Des grands comédiens comme Matthieu Almaric ou Denis Polyadès feront la lecture de Eschyle, Conrad, ou Bataille. Une immersion philosophique et artistique très attendue.

 

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At the Centre Pompidou, the exhibition displays the art of the English painter in the light of his literary mentors. Their ideas are key to understanding Bacon’s tortured universe.

Vous voulez en savoir plus sur l'exposition ? On vous présente un des chefs-d’œuvre de l'artiste...


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