Russie : de faux œufs Fabergé exposés au musée de l'Ermitage ?
C'est un nouveau scandale qui touche la Russie : le marchand d'art Andre Ruzhnikov accuse le musée de l'Ermitage et son directeur d'entreposer des copies grossières et factices du célèbre joaillier russe Pierre-Karl Fabergé, au beau milieu de l'exposition qui lui est consacrée.
Inaugurée en grande pompe le 25 novembre dernier, l'exposition Fabergé, bijoutier à la cour impériale a récemment attiré l’œil d'Andre Ruzhnikov, marchand d'art et spécialiste des créations de Fabergé, qui a immédiatement fait parvenir une lettre ouverte incendiaire à l'encontre du directeur de l'Ermitage. Au total, pas moins de vingt pièces exposées sont remises en question. Non seulement l'exposition recélerait d'objets à l'origine contestable, mais présenterait également des faux notables. Entre outre, Ruzhnikov pointe du doigt une réplique d'une figurine de soldat russe allumant une cigarette ainsi qu'une «montagne de théières, seaux, pots, bols et autres objets en laiton et en cuivre provenant des décharges de la ville » faussement attribués au joaillier ; ou encore la présence de deux œufs datés de 1904 alors qu'il est bien connu des experts que Fabergé n'a produit aucun œuf pour la famille du tsar à cette période en raison de la guerre qui oppose la Russie au Japon. Le marchand estime par exemple qu'un Œuf de Pâques à la poule présenté ne serait que la vulgaire copie d'un exemplaire original du musée Fabergé de Saint-Pétersbourg, situé à seulement quelques minutes à pied de l'Ermitage !
Ruzhnikov appelle logiquement à la fermeture de l'exposition, indigne selon lui d'une institution de l'envergure de l'Ermitage. Un point de vue que partage d'ailleurs la plupart de ses pairs. Il accuse entre autres le directeur du musée d'avoir cédé aux pressions de l'oligarque russe Alexander Ivanov, proche de Vladimir Poutine, qui administre deux musées qui exposeraient soi-disant des Fabergé authentiques, sans que cela ait pu être attesté. Les documents avancés par l'oligarque pour sa défense ont fait ressortir d'évidentes contradictions, indice supplémentaire - s'il en fallait un - d'un marché noir florissant en Russie. Il est néanmoins peu probable, étant donné le climat actuel, que le musée de l'Ermitage cède aux invectives du marchand d'art et ferme les portes de cette exposition sur le papier très attractive.
Le saviez vous ?
Pierre-Karl Fabergé (1846-1920) était le joaillier favori de la famille impériale de Russie à la fin du XIXe siècle et s'est notamment rendu célèbre pour ses fameux œufs, sa marque de fabrique, réalisés à base de pierres précieuses et de métaux (dont l'or). Ce sont encore aujourd'hui des symboles du luxe et de l'art de vivre sous le règne des Romanov. Le tout premier œuf, réalisé en 1885, est une commande du tsar Alexandre III qui l'offre en cadeau à sa femme Marie Fedorovna. Au total, Fabergé produisit une cinquantaine d’œufs, jusqu'à ce que la Révolution de 1917 et le massacre de la famille du tsar ne mette fin à son travail. Disséminés dans les collections privées et les musées du monde entier, les œufs Fabergé valent aujourd'hui leur pesant d'or : en 2014, un œuf en émail bleu à nervures datant de 1887, retrouvé sur un marché aux puces aux Etats-Unis, avait été racheté par un collectionneur anonyme pour près de 24 millions d’euros !