Anniversaire oblige, nous nous rendons à Roubaix pour une exposition sur Alexej von Jawlensky, qui se pose en pièce maitresse de l'anniversaire historique de l'un des plus beaux musées de France. 20 ans déjà et pour l'occasion la Piscine de Roubaix nous montre un tout nouveau visage. Comment ce peintre russe, artiste majeur de la 1ère moitié du 20e siècle, véritable icône en Allemagne, en Suisse ou aux Etats-Unis peut-il être encore si méconnu en France ? C'est l'histoire du cheminement d'un peintre de génie, obsédé par le visage. Et si aujourd'hui, à une époque fascinée par les selfies, ce thème semble être une évidence, c'est une révolution à l'époque de Jawlensky. A un moment où l'abstraction domine, il suffit d'observer ces deux autoportraits dès l'entrée de l'exposition, tantôt impressionniste, tantôt fauve, pour comprendre cette idée fixe de l'artiste et la révolution permanente de sa quête picturale. L'artiste commence par des paysages et des natures mortes, avant de nous en livrer rapidement des synthèses extraordinaires, dont l'épure troublante encapsule les variations de ses états d'âme. Il n'en fallait pas plus pour que le peintre décide de se concentrer sur des portraits, reconnaissables au début, devenant progressivement des visages, puis des têtes, aux formes simplifiées et à la ressemblance incertaine, érigées bientôt au rang d'icônes modernes. L'artiste décline les expressions dans des palettes de couleurs incandescentes, mêlant le jaune d'or au bleu azur, le noir profond au rouge carmin, autour de variations presque musicales. Une synthèses audacieuse à la palette époustouflante, aux lignes vivaces et maîtrisées, aux géométries chromatiques soigneusement orchestrées. Et pour mieux prendre la mesure du caractère visionnaire de ses œuvres, l'exposition nous offre un face à face saisissant avec les artistes de son temps : Matisse, Rouault, Delaunay, Kandinsky, van Dongen ou Paul Klee. Un maître parmi les maîtres dont les représentations ne sauraient souffrir d'aucune comparaison. Ces visages mystiques prennent ici une dimension universelle, qui semble percer l'essence même de l'âme humaine.

« De grandes figures dans des couleurs puissantes et incandescentes, plus du tout naturalistes […] desquelles jaillissent un terrible pouvoir, celui d’une extase intérieure ». Ce dessein-là, Alexej von Jawlensky ne le quitte plus à partir de 1917, date à laquelle le peintre russe, coloriste hors-pair et compagnon de route de Kandinsky et de Paul Klee avec qui il forme le groupe des « Quatre bleus », se consacre presque exclusivement au portrait. Des « têtes » aux formes simplifiées et à la ressemblance incertaine, caractérisées par la violence du coloris et d’épais contours sombres, érigées bientôt au rang d’icônes modernes. La Piscine de Roubaix lève le voile sur la pratique presque expérimentale de cet artiste majeur de la première moitié du XXe siècle, à travers une vaste rétrospective qui entend bien rétablir l’apport très personnel du peintre à la modernité. Sa singularité justement tient peut-être à sa position d’entre-deux, entre l’Est et l’Ouest, entre expressionnisme et fauvisme, entre figuration et abstraction. À ses côtés, figurent des œuvres d’artistes auxquels il fut intimement lié : Matisse, Rouault, Kandinsky, Klee... Un accrochage spectaculaire pour cet artiste d’abord influencé par le groupe nabi, Paul Gauguin et Vincent Van Gogh, mais qui évoluera vers une synthèse audacieuse de toutes ses inspirations le menant peu à peu sur le fil de l’abstraction.

LA PISCINE, MUSÉE D’ART ET D’INDUSTRIE ANDRÉ DILIGENT
Du 6 nov. 2021 au 6 fév. 2022
23 rue de l’Espérance,
59100 Roubaix