Damien Hirst : Obsession morbide
The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living - Damien Hirst
Les animaux sont peut-être les plus vieux sujets d’art au monde. Déjà modèles à la préhistoire, ils fascinent et occupent l’esprit des artistes au cours des siècles. L’arrivée de l’art contemporain, cependant, opère un changement certain dans le traitement de l’animal. De sujet, il devient outil, et les créateurs ne se contentent plus de le reproduire, au contraire, ils l’utilisent : sa peau, son corps, allant jusqu’à le dénaturer pour le bien de l’art.
Si nombreux sont les artistes à expérimenter avec ce nouveau « matériau », Damien Hirst, lui, se lance dans un art obsessif, où les animaux deviennent omniprésents, pivots de ses créations faites pour choquer. Tandis que certains artisans et créateurs se tournent vers la taxidermie pour créer l’illusion du vivant, l’artiste contemporain britannique, lui, s’en dégage avec une irrévérence provocatrice.
Il faut dire qu’Hirst est fasciné par la mort. Ce stade final est pour lui une source de mystère sans fin, que nul être vivant ne peut vraiment appréhender. Son art se développe alors, ayant pour but de nous mettre face au cadavérique, face à la réalité brute du décès. Cette « obscénité morbide », comme il l’appelle, devient sa marque de fabrique, accentuant l’immobilité, la rigidité des corps, créant presque une atmosphère surnaturelle qui choque et divise.
On connaît du trublion du Brit Art notamment son œuvre intitulée « Mother and child divided ». Une installation représentant une vache et son veau, tous les deux coupés, avec une minutie scientifique, dans le sens de la longueur. Plongés dans deux bassins de formol et séparés l’un de l’autre, ils offrent au spectateur un regard unique sur le fonctionnement d’un corps. L’aspect surréaliste de la construction donne alors l’impression d’entrer dans un cabinet de curiosités, observant ces cadavres flottant dans un liquide toxique avec une sorte de curiosité malsaine. Bien entendu, l’œuvre provoque la fureur des associations de protection animale qui iront jusqu’à lui envoyer des menaces par courrier durant plusieurs années.
Ces revendications avaient déjà commencé durant sa série « In and out of love », représentant des papillons attachés à une toile blanche. Ceux-ci pouvaient se déplacer suffisamment pour interagir, voler, et pondre, mais le manque de lumière naturelle et d’accès à l’extérieur causa la mort de 9 000 insectes, donnant à Hirst une bien mauvaise réputation.
Outre la dimension scandaleuse des œuvres, celles-ci sont également très compliquées à installer au sein d’une exposition : volumineuses, lourdes, et dangereuses à cause du liquide toxique qu'elles contiennent, elles nécessitent souvent des précautions, des travaux de la part des lieux. L’installation du show à la Galerie Gagosian de New-York avait, par exemple, duré un mois entier, afin de s’assurer de la sécurité des spectateurs. Un tel risque d’empoisonnement contribuera d’ailleurs à alimenter les controverses déjà nombreuses circulant sur Hirst.
Les voix des critiques ne semblent pour autant pas atteindre l’artiste, puisqu’une de ses sculptures a été vendue 1 million de dollars. Un prix faramineux qu’aucun artiste britannique – à part David Hockney et Lucian Freud – n’a encore égalé.