Théâtre - Le triomphe de l'amour

PARIS -
Du 15 juin au 13 juillet 2018 -

Théâtre des Bouffes du Nord //

© Pascal Gely



Marivaux regarde de tout près comment agit le désir amoureux : d'où ça part, ça monte, comment ça vient aux lèvres, comprimé, réprimé, comment ça se trahit d'une manière ou d'une autre, comment ça éclate. C'est l'aveu impossible et qui jaillit pourtant. Un tout petit mot, un petit rien, et ce petit rien fait vaciller le monde. Il regarde ce rien opérer dans la langue elle-même. C'est une maladie, une contagion. Dans un certain éclat d'esprit, apparemment enjoué, s'entend une effroyable violence du cœur. Le Triomphe de l'Amour est un saccage, une hécatombe.
Le langage est le champ de bataille, le langage fait enrager la bête en voulant lui donner forme raisonnable, le langage la nourrit et décuple ses forces. L'homme ou la femme qui aime se transforme en monstre, séduit et fait peur, bouleverse, affole, laisse l'autre exsangue. Il n'y a pas d'amour heureux: l'amour-propre, l'orgueil humain, l'inconscient, conduisent le cœur et se jouent de la raison.
On comprend que certains grands personnages de Marivaux, soucieux de paix, de bienveillance, de lettres aussi, renoncent délibérément à l'amour, s'en écartent, fondent une petite société à part de ses dangers et de ses charmes.
J'aime la figure du philosophe à l'écart. Hermocrate a constitué une petite société organisée philosophiquement selon ses principes. On y jardine, on y fait de la musique, on y lit, on y boit et mange, mais on n'y aime point. L'Utopie d'Hermocrate tient à ce renoncement.
L'harmonie règne au prix d'une mutilation.La princesse Léonide, travesti en homme sous le nom de Phocion, arrive innocemment. Elle ne connaît pas non plus l'amour. Prise au jeu, inconsciente de la maladie qu'elle propage dans le jardin philosophique, elle mène simultanément trois conquêtes amoureuses avec autant de virtuosité que d'innocence.
Hermocrate, sa sœur Léontine et le Prince Agis succombent, non parce qu'ils ont affaire à une femme diabolique, mais à l'Ange, à l'Amour en personne, qu'ils avaient cru chasser du jardin.

Denis Podalydès
De Marivaux
Mise en scène Denis Podalydès, Sociétaire de la Comédie-Française
Scénographie Eric Ruf
Costumes Christian Lacroix
Lumières Stéphanie Daniel
Son Bernard Vallery
Avec:
Hermidas: Edwige Baily, Arlequin: Jean-Noël Brouté, Hermocrate: Philippe Duclos, Léontine: Stéphane Excoffier, Phocion: Leslie Menu, Dimas: Pascal Rénéric, Agis: Thibaut Vinçon
Musicien Christophe Coin

 

Théâtre des Bouffes du Nord
Du 15 juin au 13 juillet 2018
37 bis boulevard de la Chapelle, 75010 - M° La Chapelle (2)