Actu – La 1ère vente aux enchères d’une toile peinte par une IA
Marché de l'art 3.0 //
C’est Christie’s qui lance le mouvement de cette petite révolution dans le monde de l’art. A New York, du 23 au 25 octobre 2018, une toile peinte par une Intelligence Artificielle sera mise en vente pour la première fois.
Créée par le collectif parisien Obvious, cette IA a donc réalisé une toile baptisée Portrait d’Edmond Belamy. Si l’on pourrait distinguer un homme vêtu à la mode du XIXe siècle, un tableau au style romantique et réaliste, tel le Portrait de Châteaubriand par Girodet, le rendu est très flou et semble déteindre, voire se décomposer… à la manière du portrait fictif de Dorian Gray. Assez inquiétant donc et plutôt mystérieux, surtout quand on déchiffre la signature sur le côté inférieur droit : une formule mathématique bien compliquée qui a en fait permis de réaliser cette peinture. Car la toile découle bien d’un algorithme capable de créer des œuvres : Edmond est le dernier d’une série présentant les membres de la famille Belamy. Grâce à deux algorithmes opposés, l’IA peut chercher dans une banque d’images de 15000 peintures pour en créer une nouvelle tout en rejetant les peintures trop ressemblantes. Mais si le but est de réaliser des œuvres inédites, il est aussi possible de programmer une IA pour qu’elle imite le style d’un peintre réel. C’était le cas il y a 2 ans, avec Microsoft et son IA qui copiait Rembrandt.
Et le Portrait d’Edmond Belamy connait un grand succès. Acheté en premier lieu sur Ebay pour 10000 euros, le collectionneur s’en est ensuite remis à la célèbre maison pour la revendre. Un événement qui soulève bien des questions sur le statut de l’artiste et la concurrence à venir.
Une vente surprenante
Le marteau de Christie's a retenti hier, jeudi 25 octobre 2018, adjugeant le fameux tableau à 432 500 dollars ! Ce dernier était pourtant estimé entre 7000 et 10000 dollars. Les trois créateurs du collectif Obvious deviennent ainsi les jeunes artistes vivants les mieux côtés au monde, à à peine 25 ans. Ces passionnés de machine learning (donner la capacité aux machines d'apprendre) ne s'attendaient pas à une pareille exposition médiatique ni à un tel succès. Cependant cette vente réussie permettra à l'avenir "de vulgariser et diffuser les solutions d’intelligence artificielle." se réjouit l'un des ingénieurs, Hugo Caselles-Dupré. "C’est pour cela qu’on a cherché à obtenir un résultat plutôt réaliste, pour que cela soit intelligible." ajoute-il. Ainsi, si le procédé utilisé, Generative Adversarial Networks (GAN) créé en 2014, n'est pas nouveau, la sphère artistique commence à l'envisager comme un nouveau médium de création. Ce statut soulève néanmoins quelques questions, notamment celle concernant l'auteur - est-ce les créateurs du programme ou l'algorithme en lui-même ? -, celle touchant à la conscience artistique des machines mais aussi aux conséquences sur le marché de l'art : et si dans un futur proche, les oeuvres d'art n'étaient plus le privilège des collectionneurs aisés mais à portée de tous grâce à un simple programme ?
Si l'acheteur du Portrait d’Edmond Belamy tient à rester anonyme, il peut se réjouir d'avoir acquis une oeuvre d'une telle valeur historique.