Exposition James Tissot, l'ambigu moderne au Musée d'Orsay
Musée d'Orsay
Jusqu'au 13 septembre 2020
On le connait sous le nom « anglais » de James Tissot.
Pourtant, Jacques Joseph Tissot est bien né en France, à Nantes, il a étudié aux Beaux-arts de Paris, et connu la gloire dans son pays, et certes, aussi, outre-Manche. Un artiste majeur de la seconde moitié du XIXe siècle, pourtant un peu oublié aujourd’hui comparé à ses contemporains Manet ou Degas. Peut-être car lui, n’a pas pris le chemin de l'impressionnisme. Un personnage que le Musée d’Orsay nous présente ici comme « ambigu et fascinant », un peintre dandy inclassable et « moderne ». Mais comment donc être « moderne » sans être impressionniste ? Un soupçon de naturalisme, des œuvres en plein air loin bien trop nettes pour se rapprocher des impressions d’un Monet, un académisme un peu trop décalé. Bref. L’artiste ne rentre dans aucune case, il joue sur la nuance, la subtilité, il floute les frontières. Tissot est moderne car il comprend avant tout le monde l’importance de l’image et de sa reproduction. Ses tableaux très lisibles et parfaitement dessinés sont reproductibles en photographies, ils se prêtent à la gravure pour être imprimés, puis diffusés par le livre. Révolutionnaire.
Son sens du détail pousse le critique John Ruskin à qualifier ses tableaux de « photographies coloriées ». Grâce à ces procédés, Tissot diffuse ses œuvres à Paris, à Londres ou aux Etats-Unis. Il devient le chouchou de la société mondaine parisienne, « le » peintre du Second Empire, avec ses portraits de familles bourgeoises, toujours très apprêtées, lui qui excelle dans le rendu des étoffes de ces dames –son père est marchand de soie et sa mère est modiste. Bien sous tous rapports, mais dérangeant parfois, comme avec ce tableau – On the Thames – où l’artiste représente deux jeunes filles sur un bateau en compagnie d'un officier, au milieu des docks enfumés. Un scandale pour l’élite victorienne. Ou encore avec cette œuvre où le bal mondain semble virer à un ennui interminable sur le pont d'un bateau... Et que dire de cette peinture, au titre bourré d’ironie – Too Early (trop tôt) – présentant un père et ses filles arrivés trop tôt pour faire des rencontres prometteuses… Le peintre semble annoncer une fracture sociale imminente sans jamais dénoncer les événements de front. Coup d’éclat dans l’exposition, en faisant la connaissance de Kathleen Newton. Celle qui bouleversera sa vie et sa peinture. Mais il ne pourra épouser cette jolie rousse irlandaise, divorcée et mère de deux enfants. Sa peinture change. Plus intime, allusive, Kathleen est toujours là, radieuse, les enfants jouent… Mais la vie l’emportera d’une tuberculose 6 ans après le début de leur amour. Sa mort scellera le retour en France de Tissot. Sa peinture se concentre alors sur le modèle de la Parisienne – des Demoiselles de province à la Demoiselle de magasin, moyennement accueillies par la critique. Jusqu’à une vision. A la suite d’une expérience de spiritisme – très en vogue à l’époque – Tissot pense retrouver son amour Kathleen. S’en suit alors une scène d'Apparition qu'il décline en peinture et en gravure… C’est le début d’une longue série mystique et religieuse, quasi documentaire, appuyée par ses pèlerinages en Terre Sainte. Un sujet intemporel, éminemment classique, traité de manière presque photographique, avec des cadrages audacieux et des points de vue inattendus, comme celui de Jésus depuis le sommet de sa croix. Un projet pharaonique d’illustration de la Bible verra alors le jour, à contre-courant total des tendances artistiques de l’époque. Un artiste complet et effectivement inclassable que l’on redécouvre ici avec un immense plaisir.
Voilà trente-cinq ans que James Tissot ne s’était pas vu consacrer une rétrospective parisienne. Maître du raffinement et chantre de l’élégance, ce peintre dandy de la seconde moitié du XIXe siècle a immortalisé comme personne l’aristocratie du Second Empire et les mœurs de la société anglaise victorienne. Le musée d’Orsay nous fait redécouvrir son œuvre ambiguë et fascinante avec cette merveilleuse exposition, mettant en lumière ses grandes réussites ainsi que ses recherches les plus originales au fil d’une carrière partagée entre la France et l’Angleterre. On y découvre sa passion pour les maîtres anciens, les préraphaélites anglais et les objets japonais au travers d’œuvres naviguant entre historicisme et réalisme, sujets littéraires et peinture de genre. Notre artiste virtuose excelle dans toutes les techniques, l’estampe, l’aquarelle, la gravure, l’émail, affichant un goût prononcé pour le costume et le détail. À Paris comme à Londres – où il émigre pour quelques années après avoir pris part à la Commune de Paris en 1871 –, il peint les divertissements de l’aristocratie et des nouveaux riches avec un réalisme saisissant. Réalisme qui vaudra à ses tableaux d’être qualifiés de « photographies coloriées d’une société vulgaire » par le critique anglais John Ruskin. Vous croiserez des figures savoureuses, comme cet homme en kilt accompagnant deux coquettes sur une barque, ces gens endimanchés participant à un bal en mer ou bien ces dandys du Cercle de la Rue Royale. En plus d’explorer les thèmes de prédilection du peintre, de la Parisienne à Jésus-Christ en passant par la figure de Kathleen Newton – muse irlandaise de l’artiste –, l’exposition nous fait voyager en Asie, dans un cabaret ou sur la galerie illuminée du bateau HMS à Calcutta, en passant par les rives du Jourdain. Une exposition raffinée et dépaysante.
Le saviez-vous ?
Durant les quinze dernières années de sa vie, James Tissot se consacre à l’illustration de la Bible. Il en produit plusieurs centaines. Ces dernières sont diffusées à très grande échelle grâce au best-seller mondial La Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ.
James Tissot painted the elegance of the late 19th century like nobody else. The Musée d’Orsay presents his work within this splendid exhibition.
Vous voulez en savoir plus sur l'exposition ? On vous présente un des chefs-d’œuvre de l'artiste...