A peine redécouvert, un tableau de Sisley aussitôt vendu aux enchères
Ce tableau daté de 1892 représente une vue de la rue des fossés à Moret-sur-Loing où vécut Alfred Sisley. Estimé entre 200 000 et 300 000 euros, son excellent état de conservation en fait une découverte inespérée qui a réjoui experts et amateurs, comme la famille qui possédait la toile depuis 130 ans. Celle-ci porte la signature du peintre mais n'avait pas encore été authentifiée. C'est désormais chose faite. Les propriétaires étaient des descendants d'Alfred Ernst (1860-1898), critique musical qui contribua notamment à la promotion de l’œuvre de Wagner en France et qui aurait très probablement acquis l’œuvre alors même que le peintre, peu connu à l'époque, vivait misérablement. La toile a immédiatement été mise en enchères lors d'une vente à Bourg-en-Bresse et a finalement été adjugée à 250 100 euros, sans que le nom de son acquéreur ne soit dévoilé.
Alfred Sisley, le rêveur solitaire
Aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands maîtres du paysage impressionniste, Alfred Sisley (1838-1899) a pourtant vécu une vie de misère dans l'anonymat collectif. Né à Paris de marchands fortunés britanniques qui le destinaient au commerce, il choisit contre la volonté de ceux-ci de se consacrer à la peinture. Alors qu'il rejoint en 1862 l'atelier de Charles Gleyre, il rencontre Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir et Frédéric Bazille qui deviennent de véritables amis et avec qui il prend l'habitude de travailler dans la forêt de Fontainebleau avant de participer aux trois premières expositions impressionnistes en 1874, 1876 et 1877. Ses nombreux paysages des campagnes d'Île-de-France entre Louveciennes et Bougival, aux teintes douces et lumineuses, témoignent de son amour inlassable pour la région qui le mène à s'installer en février 1880 dans la région de Moret-sur-Loing près de Fontainebleau où il demeure jusqu'à sa mort. « C’est à Moret, explique-t-il en 1892, devant cette nature si touffue, ses grands peupliers, cette eau du Loing si belle, si transparente, si changeante, c’est à Moret certainement que j’ai fait le plus de progrès dans mon art, surtout depuis trois ans. Aussi quoiqu’il soit bien dans mes intentions d’agrandir mon champ d’études, je ne quitterai jamais complètement ce coin si pittoresque. ». Les compositions audacieuses et charmantes de Sisley ne lui permettent toutefois pas de connaître le succès de ses contemporains, malgré le soutien de certains marchands d'art. Si Camille Pissarro affirme : « Sisley, dit-on, est fort gravement malade. Celui-là est un bel et grand artiste. Je suis d’avis que c’est un maître égal aux plus grands. J’ai revu des œuvres de lui, d’une ampleur et d’une beauté rare, entre autres une inondation qui est un chef-d’œuvre. », le prix des œuvres de ce dernier de décolle pas. Ironie du sort, lors de la vente aux enchères organisée par ses amis au profit des enfants du peintre quelques mois après sa mort, ses toiles s'envolent pour atteindre la somme folle de 115 330 francs. A peine enterré, le maître venait de naître.