Le havre de paix de Philippe de Gobert exposé au MuMA
Musée d'art moderne André-Malraux
Du 29 mai au 7 novembre 2021
Philippe de Gobert est un artiste inclassable. Un poète qui encapsule les plus belles images de nos villes dans des clichés qui semblent sortis d’un autre temps. Le photographe belge a reçu carte blanche pour nous offrir un Havre de poésie – entendez par là une vision de la ville qui réconcilie les ruines du bombardement avec sa flamboyante renaissance, inscrivant désormais le centre-ville au patrimoine de l’Unesco. Face aux clichés exposés, extrêmement familiers, nous rappelant les grandes structures architecturales de la ville, quelque chose nous interpelle… Un sentiment étrange d’irréalité, de vision trouble. Nous pénétrons ici dans une ville réinventée. Ses images sont troublantes, tant elles mêlent la ville contemporaine à celle d’autrefois, contractant en une seule et même photographie l’Histoire de la reconstruction, des ruines au chantier titanesque, jusqu’aux réalisations d’après-guerre. L’artiste décline le noir et blanc traditionnel dans une infinité de nuances brumeuses, laissant émerger çà et là des petites cabanes, des réverbères de fortune, des machines de chantier ou des échafaudages de bâtiments, nous donnant l’impression vraisemblable d’un récit chronologique. Pourtant, il s’agit bien là d’un conte photographique affranchi de la réalité, réinventé, reconstruit de toute pièce dans l’atelier de l’artiste. Et l’exposition nous offre la chance exceptionnelle de découvrir le procédé créatif de Philippe de Gobert en entrant dans les coulisses de son atelier bruxellois. Accompagné du magnifique film de Jean-Marie Châtelier qui nous plonge dans l’intimité de l’artiste, nous le suivons dans la réalisation virtuose de maquettes à l’échelle 1/100e, d’une minutie d’horloger, inspirées des constructions d’après-guerre qui bordent le musée, la scénographie allant jusqu’à créer un écho entre ces miniatures et leur modèle grandeur nature qui se laisse découvrir à travers les immenses baies vitrées du musée. Dans son studio, l’artiste recrée ces bâtisses iconiques d’Auguste Perret – à qui l’on doit notamment aussi le Palais d’Iéna ou le Théâtre des Champs Elysées –, travaille les éclairages tel un orfèvre de la lumière, compose des fonds nuageux en arrière-plan jusqu’à créer un paysage nimbé de mystère, rendant à la ville tout son Merveilleux, comme un arrêt sur image dans une fiction onirique. L’artiste se contente de peu pour planter son décor, un front de mer plongé dans la brume, quelques immeubles esseulés, des tas de pierres prêtes à être édifiées face aux grues. Une chose nous frappe dans ces images, nulle présence humaine, seuls quelques indices subsistent : une voiture, un paquebot non sans rappeler Le Normandie, quelques lumières aux fenêtres des immeubles… Une esthétique dépouillée qui pourrait rappeler les peintures silencieuses d’Hammershoï ou les ambiances architecturées d’un Hopper. En puisant dans son imaginaire, nourri par des maquettes d’une extrême précision, l’artiste invente un souvenir sans âge, et nous invite à entrer dans sa mémoire avec ces oeuvres monumentales accrochées à hauteur d’homme, comme une porte ouverte vers un monde parallèle. Nous avons l’impression de nous promener dans un rêve éveillé, de nous perdre dans une autre dimension, troublante, de découvrir une cité oubliée, un lendemain d’apocalypse, baignée dans une lumière crépusculaire, prête à renaître. Avec ses tableaux photographiques, Philippe De Gobert a réussi à offrir à la cité portuaire du Havre une nouvelle naissance, sereine et enchanteresse, un havre de paix pour cette ville qui n’a eu de cesse depuis son bombardement de se réinventer.
Invité par le MuMa - Musée d’art moderne André Malraux, l’artiste bruxellois Philippe de Gobert livre un remarquable travail photographique inspiré de l’architecture et de l’atmosphère si particulière de la ville du Havre dont le centre historique, détruit à plus de 80% pendant la Seconde Guerre mondiale, fait aujourd’hui partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le trait caractéristique du photographe belge est qu’il réalise des maquettes de bâtiments à l’échelle 1/100e, dans un rendu très photoréaliste, qu’il capture ensuite avec son appareil avant de les tirer en grand format. Le résultat est confondant puisque ces photographies donnent à voir une sorte de réalité cotonneuse, baignant entre le conte urbain et la projection architecturale. L’intention n’est pas de montrer la ville, mais plutôt de la raconter au travers d’un fragment : un bout de port, un front de mer, un quartier, etc. Au fond il s’agit de capturer une atmosphère, retrouver un semblant de merveilleux et d’utopie – à l’image du grand projet de reconstruction du Havre, confié à l’architecte Auguste Perret au sortir de la guerre – dans l’ordinaire des paysages urbains ou des intérieurs. Ce qui trouble encore un peu plus notre perception, c’est l’absence relative de toute figure humaine dans le cadre, qui plonge notre regard dans une forme de vallée de l’étrange où ne nous sommes plus vraiment sûrs de croire à la réalité de ce que nous voyons. Comme tout bon photographe, on peut dire sans peine que Philippe de Gobert tient là son sujet.
La méthode de Gobert
Les « Artists’rooms » de Philippe de Gobert sont remarquables de méticulosité. Après son repérage, l’artiste entame la construction de ses maquettes à l’échelle 1/100e, inspirées des immeubles construits par Auguste Perret après la guerre. À plus grande échelle, il reconstitue ensuite les intérieurs des appartements, agençant ces éléments dans son atelier, en les plaçant scrupuleusement devant un fond nuageux, jouant avec les effets de lumière. La maquette n’est jamais la finalité de son œuvre : c’est l’image qui en découle. Photographiant l’intérieur des décors, il inverse ensuite son procédé de miniaturisation en effectuant des tirages grand format, nous conférant l’étrange impression d’être à mi-chemin entre le rêve et la réalité.
Le saviez-vous ?
En 1944, le Musée des Beaux-Arts du Havre est réduit en cendres par les bombardements alliés qui cherchent à affaiblir l’occupant allemand. La collection de sculptures est entièrement détruite, mais heureusement les 1500 toiles du musée ont été mises à l’abri. Premier musée à être reconstruit après la guerre, celui-ci sera inauguré par André Malraux et porte aujourd’hui son nom. Le musée comprend notamment une impressionnante collection de peintures modernes, de l’impressionnisme au fauvisme, avec de grands noms tels que Monet, Renoir, Dufy, Bonnard, Derain, etc. Le musée est surtout reconnaissable pour la sculpture monumentale (longue de 22 mètres) qui s’élance sur le parvis du musée – Le Signal, d’Henri-Georges Adam – telle la proue d’un navire conquérant.
L'exposition permet aussi de découvrir les premières maquettes de l'artiste :
MUMA - MUSÉE D’ART MODERNE ANDRÉ MALRAUX
Du 29 mai au 7 novembre 2021
2 boulevard Clemenceau, 76600 Le Havre