Vous n’allez pas pouvoir y échapper. L’araignée de l’art contemporain Chiharu Shiota tisse sa toile au sommet de l’Histoire de l’art en inaugurant, trois ans après sa fermeture, un Grand Palais flambant neuf. La plasticienne métamorphose sous des kilomètres de laine et de coton ce géant de verre, de pierre et d’acier en un imposant cocon protecteur pour accueillir la plus importante exposition de sa carrière. Et il sera bien inutile de résister.

Pour nous attraper dans ses filets, la superstar de l’art contemporain a tricoté une rétrospective labyrinthique cousue de fils rouges, faite de milliers de cordelettes noires entrelacées, de voiles blancs gigantesques et d’objets pris au piège. Ici, les lignes se brisent, les fils s’enroulent, s’enlacent et s’entrecroisent dans une valse hypnotique ; les nuées sanglantes de fils tendus vers le ciel ligotent nos corps et nos esprits. Le vide se comble sous l’entrelacs infini de ses créations suspendues dans les airs, figées dans un temps incertain.

Déployées sur plus de 1200 m2, sept installations arachnéennes monumentales nouent un enchevêtrement spectaculaire de dessins envahissants, de sculptures tentaculaires et de photographies impénétrables où l’art et la matière semblent fusionner en un chaos maîtrisé. Chaque filament, tendu avec une précision presque chirurgicale, semble vouloir nous attraper et nous contraindre à nous confronter à nos propres failles, à nos propres ombres aussi. Nous nous retrouvons face à des fragments de souvenirs, des objets du quotidien, suspendus, vidés de leur fonction première, et pourtant chargés d’une aura presque mystique. Ils nous scrutent, immobiles, prisonniers eux aussi de cette trame en perpétuelle expansion.

Et si ces fils étaient finalement les veines d’une mémoire collective, de nos craintes et de nos désirs, se croisant et s’entremêlant jusqu’à nous submerger ? Peut-être sommes-nous, en fin de compte, les architectes de notre propre toile, les tisseurs de nos propres illusions, perdus dans les méandres d’une œuvre ensorcelante que Chiharu Shiota nous force à parcourir, les yeux grands ouverts.

Dans cette toile d’une complexité sans fin, ce réseau infini nous étouffe et nous oppresse autant qu’il nous protège. Une question surgit pourtant entre le maillage indéchiffrable de ces fils inextricables, se frayant un chemin parmi les interstices d’un ballet labyrinthique : et si nous étions la prochaine proie de Chiharu Shiota ?

GRAND PALAIS
Du 11 déc. 2024 au 19 mars 2025
Avenue Winston Churchill, 75008
M° Champs-Élysées-Clémenceau (1/13)
Du mar. au dim. 10h-19h30, ven. jsq. 22h,
fermé le lun. - Tarifs : 14 € - TR : 11 €
Gratuit -18 ans
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