Montélimar - César - faces à face
Musée d'Art Contemporain Saint-Martin
Du 18 mai au 31 décembre 2019
De César, on connaît le Pouce immense qui s’érige à plusieurs mètres de haut, les compressions de voitures qui avaient fait scandale dans les années 60, la statuette remise aux stars de cinéma lors de la cérémonie qui porte son nom… Mais qui connait ses dessins ? Une facette méconnue de l’artiste à découvrir en 2 temps, au Musée d’art contemporain Saint-Martin et au Château des Adhémar, à Montélimar. Ces œuvres proviennent pour la plupart d’une collection privée, ce qui explique qu’elles aient si peu été vues, celle de son ami niçois, Jean Ferrero chez qui César avait l’habitude de se rendre en vacances, ayant improvisé un coin d’atelier dans ses réserves…
Cela voudrait-il dire qu’avant de compresser ses masses de métal dans un geste instinctif, notre artiste avait tout prévu ? Réalisé une esquisse préparatoire de son travail en amont ? Et que ses œuvres ne jaillissaient pas du hasard de la manipulation ? Pas du tout.
César dessinait pour le plaisir de dessiner, celui que l’on a tant critiqué pour son approche insuffisamment académique de l’art, ôtant à l’extrême le rôle de l’artiste dans la conception de l’œuvre, jusqu’à laisser les machines le faire pour lui, était en réalité un dessinateur virtuose. Et ce, à deux niveaux. A la fois pour le geste artistique qui s’inscrit dans la tradition académique, et qu’il maîtrise techniquement à la perfection. Mais il était surtout un expérimentateur infatigable, avec notamment ses Collages utilisant des matières de la vie quotidienne ou industrielles, ses Arrachages mêlant encre et papiers déchirés. Dans ses œuvres à la mine de plomb, il procède par grattage, par accumulation de traits, comme il accumule les boulons et plaquettes dans ses Fers. Le travail graphique prend le relais du travail métallurgique et vice versa.
Au Château des Adhémar, ce sont des artistes contemporains que l’on va rencontrer, dont l’œuvre entre en résonnance avec celle du maître. Thibault Franc troque les portières de voiture, rebus métalliques et autres déchets industriels pour des objets de récup’, jouets et autres bibelots trouvés dans les brocantes, qu’il assemble pour leur donner une beauté nouvelle. Dans l’écrin du château médiéval, il nous plonge dans son imaginaire étrange peuplé d’un bestiaire fantasmagorique touchant. Face à lui, Frédérique Nalbandian, qui investit les espaces de la chapelle avec ses bulles de savon. Le savon chez elle est aussi multiple que le métal chez César, pouvant être coulé ou comprimé, fondu ou moussant, il évolue avec le temps. Tous deux expérimentent les possibilités de matériaux qu’ils détournent de leur fonction première pour en faire de remarquables œuvres d’art.
Une magnifique déambulation dans l’œuvre intime de César, côté pile et côté face, la poésie derrière la carapace de fer.
De formation académique, l’artiste d’origine marseillaise maîtrise avec virtuosité la technique du dessin et de la sculpture. Mais détrompez-vous des apparences, sa formation classique vous réserve quelques coups d’éclat, comme un souffle de liberté dont s’empare la matière pour en faire une émotion esthétique surgissant de formes aléatoires. Parfois récurrentes, elles deviennent chez César des obsessions : la « pachole » par exemple, désignant le sexe féminin dans l’idiome marseillais et par extension une jolie femme, une « poule ». Cette manière de caricaturer un personnage méridional traduit sa vitalité exubérante, à l’instar de la dimension ludique et érotique qui traverse une large part de son œuvre. Sa sensibilité pour les animaux devient un véritable bestiaire imaginaire. Il réalise d’ailleurs en 1983 un Centaure en plâtre en hommage au maître catalan, qu’il considère comme son double imaginaire pour son sens du bricolage et sa métamorphose des objets. Dans une posture encore plus radicale, César déclenche le scandale en exposant trois voitures compressées dans le Salon de Mai en 1960, qui renforcent encore plus sa célébrité et sa renommée internationale. La virtuosité technique et la radicalité artistique cohabitent dans son œuvre tout au long de sa carrière, échappant ainsi à des définitions trop contraignantes de ses activités.